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Sur les traces de René Magritte à Bruxelles

La découverte de René Magritte ne se limite pas à la visite du célèbre musée qui lui est dédié. C’est en sillonnant le Bruxelles surréaliste qu’on a le plus de chance d’explorer son univers intime.

On dit souvent que Bruxelles est une ville surréaliste. Une manière ironique de souligner l’aspect chaotique de la capitale. J’ignore s’il y a un lien mais Bruxelles a donné naissance à l’un des plus grands artistes surréalistes, René Magritte (1901-1967). « Le surréalisme à Bruxelles, c’est Magritte et personne d’autre », insiste Sacha, la guide qui m’emmène à la découverte des endroits de la ville qui ont façonné l’existence du célèbre peintre.

Un petit bourgeois

Le café Greenwich où Magritte aimait disputer des parties d'échecs.
Le café Greenwich où Magritte aimait disputer des parties d’échecs.© BELGA

Nous nous donnons rendez-vous devant la Bourse. C’est ici que René Magritte descendait chaque jour du tram qu’il prenait à Jette, où il vivait dans une maison modeste. Pas pour se rendre au travail mais pour jouer aux échecs au café Greenwich, situé rue des Chartreux.

« On croit souvent que les artistes mènent une vie de bohème mais Magritte était très bourgeois », précise notre guide. Si son métier est extraordinaire, sa vie quotidienne était tout à fait banale. Ses amis amateurs d’échecs n’étaient pas des artistes mais des banquiers ou des comptables. Magritte se sentait bien en leur compagnie. Les surréalistes bruxellois se prenaient nettement moins au sérieux que leurs homologues parisiens. De plus, avant les années 50, Magritte était quasiment un inconnu. Il n’a percé que plus tard. C’était un petit bourgeois que sa femme attendait, le soir, pour dîner à la maison.

Les Halles Saint-Géry, où on joue toujours aux échecs.
Les Halles Saint-Géry, où on joue toujours aux échecs.© BELGA

Bruxelles n’a pas entièrement perdu sa tradition d’échecs. On y joue désormais dans les toutes proches Halles Saint-Géry. Par ce petit matin paisible, nous rejoignons à pied l’Îlot Sacré et faisons halte devant le n°36, une maison banale où a pourtant vécu l’une des figures de la scène surréaliste : Edouard Léon Théodore Mesens, le marchand d’art qui a lancé René Magritte à Londres et à New York.

Romantisme rue du Midi

Nous arrivons à l’angle de la rue des Pierres et de la rue du Midi, face à un bar branché, de style berlinois. En 1915, lorsque Magritte étudiait à l’Académie des Beaux Arts rue du Midi, l’endroit abritait la Coopérative artistique, un magasin qui vendait – et vend toujours – tout le matériel nécessaire aux artistes. A l’époque, Georgette Berger, une jolie vendeuse y travaillait. Magritte avait loué une chambre au n°122 et a sans doute poussé la porte du magasin, un beau jour, pour acheter du matériel.

René Magritte
René Magritte© Belga

Originaires de Charleroi tous les deux, Georgette et René Magritte s’étaient déjà croisés auparavant, mais c’est à Bruxelles qu’ils se sont rapprochés avant de se marier en 1922. Le peintre a longtemps vécu grâce aux revenus de sa femme, qui lui permettait de se consacrer à son art. Avant de percer sur la scène internationale, il se faisait un peu d’argent en réalisant des affiches, ce qu’il appelait lui-même ses travaux imbéciles, ou en dessinant des couvertures.

Ceci n’est pas un musée

Nous remontons la rue des Alexiens et rejoignons l’un des plus célèbres cafés de la capitale, la Fleur en Papier Doré, qui fut le QG des surréalistes. Le propriétaire des lieux, petit Gérard alias le Courtraisien Geert Van Bruaene, possédait une série de cafés et était aussi marchand d’art, poète et... faussaire à ses heures. René Magritte, Louis Scutenaire et Marcel Mariën aimaient se retrouver dans son établissement. La Fleur en Papier Doré est restée un repère d’artistes et est désormais classée. A l’entrée, un panneau avertit : Ceci n’est pas un musée, on consomme !

Sacha m’entraîne sous la véranda, située à l’arrière. On peut y admirer une photo grandeur nature datant de 1953 où les illustres convives qui fréquentaient l’endroit il y a plus d’un demi-siècle posent devant l’entrée : René Magritte et sa femme Georgette, Geert Van Bruaene, E.L.T. Mesens et le couple formé par Irène Hamoir (écrivain) et Louis Scutenaire (peintre), qui fit l’acquisition de plusieurs oeuvres de Magritte. Leur maison schaarbeekoise en était remplie. Une bonne partie des oeuvres surréalistes exposées au Musée Magritte Museum (MMM) et au Musée Royal des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles, ont été léguées par le couple.

Un trésor caché dans le parc de l’Albertine

La superbe Galerie Bortier, qui vend des gravures de Magritte, nous conduit vers le parc de l’Albertine et le centre de congrès Square, ancien Palais des Congrès. J’ai beau vivre à Bruxelles depuis quinze ans, c’est une révé- lation ! J’ai dû emprunter des centaines de fois les escaliers situés derrière de la fontaine qui mènent à la Place Royale mais je ne m’étais jamais doutée que deux trésors se cachaient sous mes pieds. « On ne peut les admirer qu’au cours d’une balade guidée », confirme Sacha, qui m’invite à entrer au centre de congrès. Nous voilà face à l’Empire des Lumières de Magritte, une immense fresque qui côtoie une oeuvre de Paul Delvaux. « Pour l’Expo 58, on leur a demandé de décorer les murs du centre des congrès, construit pour l’occasion. Et le fait que Delvaux ait bénéficié de plus d’espace n’a pas du tout plu à Magritte », s’amuse Sacha.

Musée Magritte Museum (MMM).
Musée Magritte Museum (MMM).© BELGA

Le Cabinet Maldoror

Nous sommes à présent devant l’Hôtel Ravenstein, au-dessus du Mont des Arts. C’est ici que l’anticonformiste Geert « petit Gerard » Van Bruaene avait installé sa première galerie, Le Cabinet Maldoror (en 1921). Grâce à son flair hors du commun, il a été l’un des premiers à exposer des artistes tels que Paul Klee, Max Ernst et René Magritte. Le Cabinet Maldoror s’est rapidement fait un nom dans le monde de l’art bruxellois. Mais Van Bruaene n’était pas doué pour les affaires et sa galerie a rapidement fermé ses portes.

Le Musée Magritte

Nous atteignons le point final et culminant de notre balade, le Musée Magritte Museum (MMM), qui attire chaque année plus d’un demi-million de visiteurs, ce qui en fait l’attraction touristique bruxelloise numéro un. Des amateurs déferlent du monde entier pour admirer les oeuvres du petit bourgeois au talent immense... à qui la capitale aura finalement dédié un musée en 2009.

Infos pratiques

Visit Brussels propose des itinéraires sur le thème du surréalisme : www.visitbrussels.be

Nous avons fait la balade (en 2015) avec le Bus Bavard : www.busbavard.be

Cet article est paru initialement dans le Hors-Série « Escapades en Belgique » (2015).

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