Nord d’Anvers : au bonheur des cyclistes et des promeneurs

Le nord de la province d’Anvers comporte trois importants promontoires, cernés par les Pays-Bas. Un paradis vert pour les cyclistes et les promeneurs que les nombreux franchissements de la frontière rendent encore plus attrayant...

Avec un soupçon d’imagination, en séjournant à l’hôtel-restaurant-taverne Pacific à Weelde Station, on pourrait se croire à Phuket ou à Bali. Je fais honneur au petit-déjeuner princier servi parmi les statues de Bouddha et les bonsaïs. Pour rejoindre ma chambre, je traverse un jardin agrémenté d’une grande piscine, de palmiers et de statues posées parmi un océan de fleurs aux couleurs vives. Mon hôtesse, Linda Meder, d’origine sino-thailandaise, est aussi un enfant du pays. Ses parents ont créé cet établissement il y a trente-cinq ans. Elle indique à ses clients une foultitude de sentiers de randonnée et de pistes cyclables afin de leur faire découvrir les plus beaux coins de la région.

Cette touche d’exotisme ne détonne pas ici. Par les caprices de l’histoire, les trois promontoires campinois sont cernés par le territoire néerlandais. Sans s’en rendre compte, on passe d’un pays à l’autre et vice-versa. Les nombreux quartiers résidentiels, qui sont aujourd’hui principalement habités par des émigrés fiscaux néerlandais, contribuent à cette impression d’effacement de la frontière. A leur manière, ils constituent une sorte d’attraction, même si de nombreux habitants du coin ne sont pas de cet avis.

Des mers de bruyères

La nature omniprésente et quelques petites villes surprenantes ajoutent encore du piment à la balade. La nature règne en maître dans la zone la plus occidentale (la région Kalmthout-Essen). En automne, une balade dans la zone des bruyères de Kalmthout est un véritable enchantement. Jusqu’à la mi-octobre, la bruyère colore de pourpre une grande partie du paysage. Qu’une région si étendue ait réussi à échapper au lotissement et aux tentacules du port d’Anvers tient du miracle. Aujourd’hui, toute la région (3.750 ha) est protégée et fait partie du parc naturel transfrontalier De Zoom-Kalmthoutse Heide. Vous redécouvrirez ce paradis serein avec plaisir, de même que la grande variété de marais, de tourbières, de sapinières et d’étendues de bruyères. Du parking de Kalmthout-Heide partent neuf promenades fléchées (de 1,5 km à 7,4 km).

Les amateurs de jardins et de parcs combineront cette promenade avec la visite de l’Arboretum de Kalmthout. Une des fiertés de la Belgique, car peu d’endroits au monde peuvent se vanter de posséder une aussi admirable collection d’arbres, d’arbrisseaux, de plantes vivaces et de couvre-sols. Et si vous n’avez pas encore fait le plein de nature, quelques kilomètres plus loin, vers le nord, dans le charmant petit village de Wildert, vous attendent les Wildertse Duintjes. Cette ancienne propriété a désormais été transformée en domaine communal.

Au patrimoine mondial

La E19 traverse le promontoire central (Hoogstraten-Meerle). Dans cette région agricole, les entreprises recourent aux technologies les plus récentes et les combinent souvent à des méthodes respectueuses de l’environnement. Ne vous étonnez pas de pouvoir acheter ici des fraises en octobre et en novembre directement chez les producteurs. Depuis une dizaine d’années, la région d’Hoogstraten est en effet celle où l’on produit le plus de fraises en Belgique. Les horticulteurs s’y sont spécialisés dans les cultures extrêmement hâtives et tardives.

Dans l’agréable petite ville de Hoogstraten, visitez le béguinage, l’un des treize de notre pays qui ont été déclarés patrimoine mondial par l’Unesco et certainement un des plus homogènes. Autour de l’église baroque s’étirent des ruelles aux maisonnettes blanchies à la chaux. Joliment restaurées, elles portent toutes le nom d’un saint et des gens de tous les âges et de tous les horizons professionnels y habitent. Le béguinage s’étire le long de l’artère principale très animée, mais il suffit de s’éloigner de quelques pas dans les ruelles pour pénétrer dans un monde paisible.

A 500 m du béguinage, toujours le long de cette même artère (qui porte le nom de Vrijheid), se dresse la principale église de Hoogstraten, face à trois tilleuls séculaires. On ne s’attend pas à une telle richesse dans l’église Sint-Catharina, perdue dans une petite ville de province. Le clocher mesure 105 m de haut et l’église regorge d’£uvres d’art, de vitraux et autres mobiliers du XVIe siècle. Hoogstraten ne fait pas figure d’exception... Dans le nord de la Campine, nombre de villages plus petits (comme Weelde, par ex.) possèdent des églises plutôt imposantes.

Les charmes de Turnhout

Sur le promontoire situé le plus à l’est (Turnhout-Poppel), la nature domine dans les forêts domaniales de Ravels et de Poppel. Dans ce dernier village, la frontière avec les Pays-Bas est formée par une zone boisée dans laquelle serpente la petite rivière Aa. Les promenades partent de la chapelle blanche Rovert, un des nombreux petits édifices religieux frontaliers de cette région. Après la scission des Provinces-Unies en 1648, les catholiques néerlandais pouvaient y suivre la messe en toute sécurité.

Vous devez absolument consacrer une demi-journée à la visite de Turnhout. Ces dernières années, la capitale de la Campine a pris des allures de grande ville avec sa grand-place animée, ses belles rues commerçantes et son large éventail de restaurants. Les trois promenades urbaines concoctées par l’office de tourisme (la brochure coûte 4 ?) présentent de surprenantes curiosités touristiques comme le pavillon de chasse des ducs de Brabant.

Les pieds dans l’eau, il est quasiment situé au centre de la ville. Il abrite aujourd’hui le Palais de justice et, en semaine, on peut également accéder à la jolie cour intérieure.

Le béguinage de Turnhout fait aussi partie du patrimoine mondial de l’Unesco. Il s’étend le long d’une grande place. A la fin du XVIIe siècle, il constituait avec ses 375 béguines une véritable ville dans la ville. La vie quotidienne d’alors est illustrée dans un intéressant petit musée. La dernière des béguines est décédée en 2002.

D’une façon ou d’une autre, Turnhout a joué un rôle dans la vie de chaque Belge. Enfant, vous avez certainement fait votre première ou votre grande communion avec un missel impirmé chez Brepols. Ou peut-être avez-vous accompli votre service militaire à la caserne Blairon ? Si vous êtes un inconditionnel des jeux de cartes, vous jouez certainement avec des cartes fabriquées à Turnhout. Le vaste site de l’ancienne imprimerie Brepols est désormais un chancre urbain, qui sera toutefois transformé prochainement en centre commercial et en lofts.

On fabrique encore des cartes à jouer à Turnhout. Carta Mundi (résultat de la fusion des deux derniers ateliers de cartes à jouer) est aujourd’hui une entreprise florissante possédant des filiales sur les cinq continents. La firme produit 180 millions de cartes à jouer par an, fournit tous les casinos et réalise même le fameux jeu à l’effigie des personnages recherchés du régime de Saddam Hussein. Le Musée National des cartes à jouer (Nationaal museum van de speelkaart) retrace cette histoire passionnante. Dans une des salles, on a même reconstruit la machine à vapeur avec laquelle les cartes à jouer de Turnhout ont conquis le monde au XIXe siècle.

L’enclave de Baarle-Hertog

Un seul village, deux pays, deux bourgmestres, deux églises, deux corps de pompiers, deux écoles, deux bureaux de poste : votre incursion entre les promontoires anversois n’est pas terminée si vous ne poussez pas jusqu’à Baarle-Hertog, l’enclave belge aux Pays-Bas. Si vous souhaitez vous y rendre à vélo, vous pouvez, au départ de Turnhout, emprunter la piste cyclable Bels Lijntje, qui est aménagée sur une ancienne voie de chemin de fer (distance dans une seule direction: 14 km).

Le statut de Baarle remonte à la période féodale, mais il aura fallu attendre 1995 pour que la frontière soit définitivement fixée. Aujourd’hui, le village est constitué de la partie belge, Baarle-Hertog, et de la partie néerlandaise, Baarle-Nassau. Au centre du village, la situation se complique : Baarle-Hertog se compose de 22 enclaves belges aux Pays-Bas, mais ces portions de territoire belge comportent à leur tour huit mini enclaves néerlandaises. La frontière traverse des maisons, des immeubles et des rues. Pour éviter les problèmes administratifs, certains immeubles possèdent une porte d’entrée en Belgique et une autre aux Pays-Bas. Une maison dans la rue Loveren possède même un numéro belge et un numéro néerlandais. Sur place, c’est grâce aux pointillés blancs sur le trottoir, aux rivets sur la route et aux numéros de maison que l’on sait dans quel pays on se balade.

Cette situation unique a fait de Baarle une attraction touristique. Le vendredi surtout, car malgré l’euro et la directive européenne en matière d’épargne, beaucoup de Belges viennent encore encaisser leurs coupons dans les banques du côté néerlandais du village. Rien d’étonnant dès lors que l’agence de la Rabobank soit ici presque aussi grande qu’à Amsterdam. D’un point de vue fiscal, Baarle offre d’ailleurs encore certains avantages. Pour l’instant, faire le plein à une pompe belge est plus avantageux pour les Néerlandais et les courses au supermarché sont moins chères aux Pays-Bas pour le porte-monnaie des Belges.

Dans cette joyeuse schizophrénie on ne s’étonne plus des étranges échafaudages du Kaarsenmuseum (musée de la bougie et du cierge). Vous y découvrirez les impressionnants cierges que Frits Spies a réalisés en cire d’abeille au cours de sa vie religieuse très inspirée. Chacun constitue un un décor en soi, parfois de plus de deux mètres de haut et habité par des personnages pieux. La Dernière Cène a demandé 200 kg de cire d’abeille...

Le bonheur à pied et à bicyclette

  • La promenade bleue (symbolisée par un mouton) dans la Kalmthoutse Heide fait plus de +7,4 km (il est possible de l’écourter) et se distingue par la variété de ses paysages.
  • L’ancienne colonie de bienfaisance de l’Etat de Wortel (à 3 km de Hoogstraten) est devenue une oasis pour les randonneurs : laissez-vous séduire par la quiétude de ses drèves, tourbières et bois.
  • Le réseau de pistes cyclables est complet et se combine à l’infini avec celui des Pays-Bas. Pour le promontoire central et oriental munissez-vous de la carte n° 1 du réseau anversois, pour le promontoire occidental, il vous faut la carte n° 2 (chaque carte coûte 5 ?).
  • L’itinéraire cyclable fléché Heideroute (57 km) est le plus ancien de la province. Une belle balade à travers la Kalmthoutse Heide et le promontoire occidental.
  • L’Enclaveroute (46 km) vous emmène en Belgique et aux Pays-Bas au nord de Hoogstraten. Un must si vous voulez voir Baarle-Hertog.
  • En empruntant la Smokkelaarsroute (46 km), sur le promontoire oriental vous franchissez aussi de part et d’autre la frontière. Cet itinéraire emprunte d’anciens chemins de contrebande. Très agréable dans la région boisée située entre Poppel et Nieuwkerk.

Plus d’info :

  • Toerisme Turnhout & Antwerpse Kempen, ‘t Steentje, Grote Markt 44, 2300 Turnhout
    Tél : 014 44 33 55 et www.antwerpsekempen.be
  • Pour Baarle-Hertog-Nassau : VVV Baarle, Tél : 00 31 13 507 99 21 et www.vvvbaarle.com
  • Hôtel Pacific à Weelde-Station : Tél : 014 65 53 98 et www.hotel-pacific.be
  • Arboretum Kalmthout : Heuvel 2, 2920 Kalmthout, ouvert tous les jours de 10 à 17 h, entrée 4 ? (60+ : 3,50 ?). Attention: fermé du 15 novembre au 15 mars. Tél : 03 666 67 41
  • Musée des cartes à jouer : Druivenstraat 18, 2300 Turnhout, Tél : 014 41 56 21, ouvert de 14 à 17 h (dimanche de 11 à 17 h, fermé le lundi), entrée 2,50 ?.
  • Musée de la bougie : Kerkplein 2, 2387 Baarle-Hertog, entre le 1er octobre et Pâques ouvert uniquement le dimanche de 12 à 16 h, entrée 3 ?. Tél : 014 69 99 62.

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