La guerre, cette fabuleuse opportunité commerciale

Guerre ou pas guerre, entre 1914 et 1918, les entreprises de l’arrière cherchaient toujours à écouler leurs produits. Durant tout le conflit, les publicitaires useront et abuseront donc de l’image du poilu ou de la patrie, pour faire vendre tout... et n’importe quoi.  » La pub est déclarée  » revient avec brio sur cet épisode plus que cynique de la Grande Guerre.

Soutenu par deux poilus, le bambin fume crânement sa cigarette, portant sous son bras un paquet de papier à rouler. Sur sa robe de poupon, l’écriteau  » Classe 37  » indique qu’il s’agit d’un garçon qui, si la guerre continue jusque-là, sera appelé sous les drapeaux en 1937. Le slogan est sans appel :  » Toutes les classes fument le Rizzla « . Sous-entendu : les soldats d’aujourd’hui et de demain. Bienvenue dans le monde de la publicité française durant la Première Guerre Mondiale : le poilu et le patriotisme y sont déclinés à toutes les sauces, le plus souvent une sauce de mauvais goût...
Pour le publicitaire, le soldat engoncé dans la boue des tranchées rêve d’une montre Barclay, se gargarise d’Urodonal – potion de rebouteux censée nettoyer les reins – et hurle son plaisir d’offrir du mousseux de qualité aux copains. Les journaux de l’époque sont aussi emplis de publicité à destination des éclopés, et préviennent la ménagère que si elle n’acquiert pas une machine à coudre française, elle ne soutient pas l’économie du pays et favorise donc  » Le Boche « . On vante le fait que tel cacao est distribué dans les hôpitaux militaires (signe de sa qualité), les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour paraître les plus franco-françaises possibles. L’eau de javel  » Le Coq Gaulois  » se dispute les étals avec la  » Peinture nationale qualité extra « .
La guerre, plus qu’un drame humain, s’apparente ici à une véritable aubaine commerciale. Même le Père Noël est décliné en uniforme bleu horizon !

Un récit plus qu’un livre d’Histoire

Le sujet prête à l’ironie douce-amère et le livre  » La pub est déclarée  » s’y jette à coeur joie : loin du livre d’Histoire morne et plat, il met en scène un personnage imaginaire – une publicitaire de l’agence Siècle Publicité – chargé de trouver les slogans qui feront mouche, qui vendront au mieux la guerre. Et si le livre contient relativement peu de texte, c’est avant tout parce qu’il laisse place à quantité d’illustrations, de reproductions de publicités on ne peut plus éloquentes.
On referme ce livre en se disant que c’est durant le premier conflit mondial qu’est né la philosophie de la publicité moderne : faire vendre, à n’importe quel prix, en jouant sur l’affectif ( » comment faire plaisir au poilu ? En lui envoyant de belles choses qu’on nous a dites utiles pour lui, pardi ! « ), la fierté ( » j’ai acheté ceci, je participe donc à l’effort de guerre ! « ) ou en alléguant d’hypothétiques bienfaits scientifiquement prouvés au produit. Et pour signer le bon de commande, rien de tel que le  » porte-plume ‘Ideal’, l’Arme de la Paix « , qui a servi à signer le traité de Versailles ?
A croire qu’en 100 ans, le poilu a simplement été remplacé par la femme en bikini. Rien de plus.
La pub est déclarée de Didier Daeninckx, éditions Hoëbeke, Paris, 110 pages.

Contenu partenaire