Contrepoint de Anna Enquist

Pour commencer, il y a cette femme, rivée à son piano, qui travaille une des oeuvres les plus difficiles du répertoire, les variations Goldberg de Bach. Un travail harassant pour qui a lâché l’instrument depuis plus de vingt ans.

Mais pourquoi s’obstine-t-elle ? Elle est à la recherche de quoi ? Nous découvrons petit à petit que sa fille a disparu, à l’aube de l’âge adulte, bêtement ; un vélo renversé par un camion cela ne pardonne pas. Cette fille, elle essaye avec ténacité de la faire revivre à travers chaque variation de Bach. La mère travaille son instrument comme si sa survie, sa reconstruction en dépendait. Il y a trente variations qui seront trente étapes où elle communie avec sa fille. Si la variation se fait tendre, sereine nous aurons droit à des images heureuses, celles de l’enfance, de l’insouciance. Si la variation se fait nerveuse, frénétique ? nous aurons l’agressivité de l’adolescence, les malentendus, les non-dits, plus forts que les paroles.

Anna Enquist est la reine du silence, elle ne donne pas de noms à ses personnages, il y a seulement la mère et la fille. Dans Contrepoint, les êtres semblent volontairement désincarnés comme distancés. Son écriture est sobre, dépouillée, épurée. Elle pèse chaque mot jusqu’à la limpidité pour nous emmener loin à travers une palette infinie d’émotions souvent contenues mais non moins véritables. Ce livre est un véritable chef d’oeuvre et bénéficie d’une très belle traduction d’Isabelle Rosselin. A lire au goutte à goutte pour mieux s’en imprégner.

Contrepoint, de Anna Enquist, aux éditions Actes Sud, 228 p.

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