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Que peut-on encore faire avec du cash ?

L’Etat veut limiter l’utilisation de l’argent liquide pour diminuer les fraudes. Il existe désormais des règles pour dépenser son cash. Que peut-on encore faire ? Et ne pas faire ?

Certains prédisent qu’après vingt-sept siècles de payement en espèces, le cash va disparaître dans les années qui viennent. Le paiement électronique étant devenu... monnaie courante. Si en Belgique, 63 % de nos compatriotes paient encore parfois en espèces dans les magasins, sont désormais les cartes de banque qui chauffent. Comme dans de nombreux pays européens d’ailleurs. Et qui remporte la palme en matière de monnaie dématérialisée ? C’est la Suède. Un pays où, désormais, dans certaines villes, 2 % seulement des transactions se font en cash. Un terrible pied de nez à l’histoire puisque cette contrée a été le premier pays d’Europe à imprimer des billets de banque en 1661. La Suède pourrait devenir la première société sans cash. Lors d’une cérémonie religieuse un dimanche matin à Stockholm, il n’est déjà plus possible de verser son offrande en liquide. Les paroissiens payent avec leur smartphone. Les poches des Suédois sont désormais vides de mitraille. Autre ironie de l’histoire, les Chinois sont, eux aussi, en passe de se passer des billets. Or, c’est ce pays qui a inventé le papier monnaie. Bref, seulement cinquante ans après l’inauguration du premier distributeur de billets à Londres, l’argent liquide est en train de se raréfier. La tendance est européenne, mondiale même.

L’Etat est la première institution à se réjouir de la disparition du cash. Son but ? Réduire les fraudes !

Certains se réjouissent de cette raréfaction, en particulier le secteur bancaire. Leo Van Hove, professeur d’économie à la VUB, a calculé que le cash coûte à la collectivité (secteur bancaire compris) le montant de 129€ par personne et par an. Pourquoi ? L’argent liquide doit être compté et transporté de manière sécurisée. Mais la première institution à se réjouir de la disparition du cash, avant les banques, c’est clairement l’Etat. Son dessein : réduire l’argent liquide pour réduire les fraudes. Marc Bourgeois, professeur de droit fiscal à l’ULg, et Mark Delanote, cofondateur du cabinet Bloom Law, n’en pensent pas moins. Ils ont d’ailleurs recommandé à l’Etat, après les Panama Papers (du nom d’un scandale lié à des sociétés offshore), de limiter radicalement  » l’argent liquide au profit de la monnaie électronique. Car la fraude fiscale internationale s’alimente de transferts de liquidités en dehors des circuits bancaires classiques.  » Chez nous, il n’est déjà plus possible de payer des biens ou des services en cash au-delà de 3.000 €.

Si l’Etat est surendetté

Mais quelle serait la place du citoyen dans une société sans cash ? Le hic avec la disparition du cash, et donc l’avènement total des payements électroniques, c’est que tout sera traçable. Et que toutes les dérives seront possibles. Les optimistes diront qu’ils s’en moquent, qu’ils n’ont rien à se reprocher, que seuls les fraudeurs seront pénalisés. Les moins optimistes pourront y voir la porte ouverte à toutes les dérives. Pour le  » bien-être  » de la population, on pourrait imaginer comme dans la célèbre bande dessinée des années 80 S.O.S. Bonheur (Griffo et Van Hamme, Ed. Dupuis) une police médicale qui vérifie votre consommation d’alcool, de tabac, de viande rouge et de graisses, sanctions à l’appui. Rien à vous reprocher ? Les bonbons sont mauvais pour la santé. Quid de l’achat de confiseries à un enfant ? Les auteurs de S.O.S. Bonheur avaient aussi imaginé une carte universelle dont toutes les transactions monétaires privées étaient contrôlées par l’État. Et si cet Etat justement est en faillite ou surendetté, qu’est-ce qui pourra l’empêcher de se servir dans la poche de ses citoyens ? Sciencefiction ? Cela s’est pourtant déjà passé à Chypre lors de la dernière crise financière. Et que se passerait-il en cas d’énorme bug informatique, l’épargnant étant pieds et poings liés à sa banque ? Alors, cash ou pas cash ? Outre le fait de laisser sur le carreau une partie de la population qui n’est pas familiarisée avec les nouvelles technologies, la disparition de l’argent liquide pourrait ouvrir une fameuse boîte de Pandore : celle d’une société plus totalitaire.

De l’argent sous le matelas ?

 » Lorsque nous sommes passés du franc belge à l’euro, un médecin venait régulièrement au guichet avec d’importantes sommes d’argent, raconte une banquière indépendante sous le couvert de l’anonymat. Les billets sentaient le moisi. Il y avait suspicion. Ces billets n’étaient-ils pas cachés sous le matelas d’un patient ? J’avais l’obligation de le déclarer au fisc. Mon client a dû expliquer l’origine de ses fonds. L’Etat ne plaisante pas avec ça ! Tous ceux qui ont de l’argent sous le matelas et qui veulent le faire revenir sur un compte en banque doivent savoir que les autorités vont s’y intéresser suspectant une possible opération de blanchiment. «  En 2016 (derniers chiffres disponibles), 27.264 déclarations de ce type sont parvenues à la Cellule de traitement des informations financières.  » Si vous déposez une grosse somme en cash à la banque au-delà de 10.000 €, même si c’est en plusieurs versements, vous devrez justifier la provenance des fonds, précise un autre banquier. C’est valable pour les versements cash, les versements par transferts nationaux et internationaux, mais aussi pour l’envoi d’argent à l’étranger (même de toutes petites sommes) vers les pays sensibles ou sous embargos. Il en va de même pour les retraits liquides de plus de 50.000 €. C’est pourquoi il faut toujours bien garder toutes les preuves comme des factures si vous n’avez rien à vous reprocher. Une banque ne peut pas être le partenaire d’argent douteux. « 

Il doit y avoir un rapport entre le bien acheté et la coupure proposée. 200€ pour un pain, c’est trop !

Pas plus de 3.000 €

Et toujours pour lutter contre la fraude, le gouvernement a limité l’utilisation de l’argent liquide à 3.000 €, TVA comprise. En clair ? Il est désormais impossible d’acheter des biens ou des services pour plus de 3.000€ en cash. Les Finances donnent ces exemples :  » un client achète auprès d’un vendeur professionnel une voiture d’occasion à 2.999 €. Il peut payer la totalité en espèces. Un client achète à un vendeur professionnel une voiture de 40.000 €. Il peut payer en espèces maximum de 3.000 €.  » Toutefois, ce maximum de 3.000€ ne s’applique pas aux transactions entre particuliers. Une voiture d’occasion de 6.000€ peut donc être payée cash.

Acomptes = 10%

Et les acomptes donnés à des professionnels ? Ils sont limités à 10 %. Un client qui fait rénover le toit de son habitation pour un montant de 5.200€ peut payer en espèces maximum 520 ? (10 % de 5.200 ?). Attention, on ne peut pas scinder artificiellement une vente en plusieurs parties d’un montant inférieur à 3.000€ pour tenter de contourner la limitation. La sanction ? Une amende de maximum 10 % de la somme payée en espèces peut être infligée aux parties. Une amende qui ne peut cependant dépasser... 1,35 million d’euros !

Enfin, la règle des 3.000€ n’est pas d’application pour les achats immobiliers. Plus aucun paiement en espèces du prix d’un immeuble n’est autorisé. L’entièreté du prix doit être acquittée par chèque certifié ou virement.

Pas de limite au Grand-Duché

La limitation des payements en cash (parfois à partir de 1.000€ comme au Portugal) concerne la plupart des pays européens. Mais en Allemagne ou au Grand-Duché de Luxembourg, il n’y a pas de limite au paiement en espèces.

La thésaurisation, cette tendance à garder ses sous chez soi, est une démarche périlleuse. L’argent risque d’être volé. Une garantie de 100.000€ s’applique par contre à l’argent déposé dans une banque.

Un commerçant peut-il refuser du cash ?

A priori non. L’argent liquide demeure le premier moyen de paiement légal. Il ne peut être refusé. C’est le SPF Economie qui le dit. Mais il y a des exceptions. Il doit y avoir un rapport entre le bien acheté et la coupure proposée. Le vendeur peut très bien refuser un billet de 200 ou 500€ si vous n’achetez qu’un pain. Le commerçant pourra toujours arguer qu’il n’a pas assez de monnaie dans sa caisse. Il existe même une règle en la matière : le refus est légal si le montant à payer est inférieur à 50 % de la valeur du billet. Cette législation concerne aussi bien les commerçants que les services publics comme une administration communale. Autres motivations d’un refus : si le billet de banque est endommagé ou s’il existe une suspicion de faux billet. Dans les exceptions, retenons encore que, pour des raisons de sécurité (après un hold-up), des commerçants pourraient refuser l’argent liquide. Cette mesure doit cependant être clairement affichée dans le commerce. Si le consommateur pense qu’il s’agit de mauvaise foi, il pourra déposer une plainte auprès du SPF économie (https://pointdecontact.belgique.be ).

50€ en poche

Que peut-on encore faire avec du cash ?
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Les Belges n’ont plus en moyenne que 50€ en poche. C’est ce qui ressort d’un sondage mené en 2017 pour ING. Le recours au cash reste central puisque 6 Belges sur 10 affirment qu’ils ne souhaitent pas virer vers une économie sans espèce. Mais ils sont peu nombreux à encore utiliser du cash pour les paiements supérieurs à 100 €.

Et les petites pièces ?

Elles trouent les poches des pantalons. Les petites pièces en cuivre de 1, 2 et 5 centimes encombrent les porte-monnaie et le tiroir-caisse. Un commerçant peut-il les refuser ? La réponse est non, mais avec des limites. Inutile de venir payer vos achats avec votre tirelire, car les vendeurs ont le droit de refuser un payement de plus de 50 pièces de monnaie. La remise d’un sac de pièces est payant dans les banques. BNP Paribas Fortis demande 4 € pour un sac de pièces de maximum 10 kg. Il existe bien une option gratuite : échanger ses piécettes à la Banque nationale de Belgique (BNB). Chaque citoyen peut y apporter un sac jusqu’à 5 kg par mois (2 % de commission au-delà de 5 kg). Le hic, il faudra se rendre à Bruxelles, car La BNB a pris la décision de fermer ses sièges locaux de Liège et Courtrai à la fin de l’année 2018. Autre option gratuite, se rendre dans certains hypermarchés Cora et Carrefour Market. Des machines Eurocycleur permettent aux clients de se débarrasser de leurs pièces de monnaie en échange de bons d’achat. Ces machines acceptent toutes les pièces de 1 centime à 2 €.

Un commerçant ne peut pas refuser d’être payé en pièces, à condition de ne pas dépasser 50 pièces par transaction !

En vacances, cash ou plastique ?

Les poches remplies de billets pour voyager ? Hum, dangereux ! L’idéal est d’éviter de prendre trop d’argent liquide sur soi pour se prémunir des vols ou des pertes. Équipez-vous d’une carte Visa avant de partir en vacances, si ce n’est déjà fait. Elle vous permettra de régler l’essentiel de vos achats et même d’éviter de trop longues files aux péages autoroutiers grâce aux bornes réservées aux cartes de crédit. L’utilisation d’une carte de crédit ne coûte rien en zone euro. Une marge de change est calculée en dehors de celle-ci à un taux assez favorable. Le plafond normal d’une visa Classic est de 2.500 €, une Gold 5.000€. Vous pouvez demander une augmentation de ligne à votre banque pour la durée des vacances.

Minimum 5€ par retrait

Attention, évitez de retirer de l’argent avec votre carte Visa à un distributeur de billets. Pourquoi ? Cela implique des frais qui varient selon le montant retiré. La règle : pour les retraits d’argent aux distributeurs automatiques de billets, en Belgique comme en zone euro, il faut compter 1 % du montant retiré avec un minimum de 5€ par transaction. En dehors de la zone euro : 5€ de frais de traitement + 1,60 % de frais de change (source BNP Paribas Fortis). Pour les retraits à un distributeur à l’étranger, employez plutôt une carte de type Bancontact munie de la fonction Maestro. Ce service est quasiment gratuit. Il s’active automatiquement dès le premier retrait à l’étranger. Seule la première activation est parfois payante : environ 5€. N’oubliez cependant pas qu’il existe des plafonds de retraits d’argent aux distributeurs automatiques. Exemple chez Axa : 500€ par carte et par jour et 1.260€ par carte et par semaine.

Pas plus 10.000€ en voyage

Que peut-on encore faire avec du cash ?
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A l’aéroport, un règlement européen impose à ceux qui ont plus de 10.000€ en espèces, et qui se présentent à l’entrée ou à la sortie de l’Union européenne, de déclarer leur argent aux douanes.

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