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La planification successorale, un abus maintenant?

Depuis le 1er juin, la nouvelle loi anti-abus s’applique aussi aux planifications successorales ? Jusqu’à quel point ? Que peut-on encore prévoir ?

Depuis la loi anti-abus du 1er juin 2012, le fisc peut étiqueter une planification successorale d’abus fiscal. Sans entrer dans les détails, disons que vous pouvez toujours choisir la voie la moins chargée fiscalement, mais vous devez avoir une raison pertinente pour cela : rétablir l’égalité entre les héritiers, conserver un bien immobilier dans la famille, assurer l’avenir d’un enfant handicapé...

Don manuel et don bancaire

On pourrait supposer que la fiscalité (ne pas payer de droits de donation) est l’unique raison pour laquelle on ne fait pas une donation devant un notaire belge en payant des droits de donation : 3% en ligne directe (3,3% en Wallonie) ou 7% pour toutes les autres personnes (7,7% en Wallonie et 5,5% entre frères et soeurs et entre oncles/tantes et neveux/nièces). Il est cependant généralement admis que la loi anti-abus ne s’applique pas aux dons manuels ou bancaires. La loi stipule en effet expressément que les donations non enregistrées ne sont taxables que si le donateur décède dans les trois ans. Et interviennent aussi en pratique des raisons autres que fiscales : un don bancaire est beaucoup plus rapide (il vous prend tout au plus 24 heures), plus simple et meilleur marché qu’un don notarié.

Donner via un notaire néerlandais

Comme vous le savez, la popularité de la donation de biens mobiliers (argent, portefeuille de titres...) via un notaire néerlandais tient au fait que vous ne payez pas de droits de donation. Ce type de donation réalisée aux Pays-Bas reste possible et elle ne tombe en principe pas sous la loi anti-abus. Et ce pour la même raison que le don manuel ou bancaire : des droits de succession doivent être payés si le donateur décède dans les trois ans. La pratique montre en outre que l’on choisit la donation devant un notaire à Maastricht ou à Breda pour des raisons qui ne sont pas purement fiscales : les honoraires sont nettement plus bas en cas de donation importante ou de donation hors part, il est possible de faire une donation par simple mandat sous seing privé, on s’y montre beaucoup plus souple en matière de donation à des enfants mineurs où l’on n’exige pas d’autorisation du juge de paix, la valeur de la donation ne doit pas être mentionnée dans l’acte, ce qui est fort intéressant pour les donataires mineurs ou jeunes adultes, etc.

Donner par tranches

En donnant une part tous les trois ans, vous réduisez au maximum le montant des droits de donation puisque vous redémarrez chaque fois au taux le plus bas. Cette technique ne posera pas de problème à l’avenir. La loi prévoit clairement en effet que si vous n’attendez pas trois ans, vous ne bénéficiez pas des taux les plus bas. Par ailleurs, les parents ne donnent ainsi pas tout en une fois et conserve un certain contrôle sur les biens.

Autres classiques

Il n’y a aucun problème pour les techniques successorales classiques quand la carte fiscale est jouée mais sans être la motivation principale de l’opération. Pensons, par exemple, à la technique de generation skipping (les grands-parents donnent ou lèguent directement à leurs petits-enfants), à la clause optionnelle dans un contrat de mariage (qui conforte surtout le position du conjoint survivant), à la donation avec réserve d’usufruit, à la donation avec charge, etc.

Le legs en duo : un cas discutable

Le legs en duo consiste à léguer par testament une partie de vos biens à une oeuvre philanthropique – faiblement taxée en droits de succession – à charge pour elle de payer la totalité des droits de succession, au taux de chacun des légataires. Même si le legs en duo semble à première vue tomber sous la loi anti-abus, ce n’est nécessairement le cas. Celui qui ne voit que l’aspect fiscal de la démarche donnera une somme plutôt maigrelette à l’oeuvre philanthropique et léguera tout le reste à ses héritiers. Mais en pratique, les asbl et autres fondations (par exemple, Médecins sans frontières) reçoivent un montant substantiel et non une aumône, preuve que la motivation n’est pas seulement fiscale. La plupart réclament même aujourd’hui de recevoir un montant confortable (par exemple, 20.000 ?, indexés chaque année).

Achat scindé et autres

Une technique très populaire qui passe tantôt au rouge, tantôt au vert, est celle de l’achat scindé. Elle est souvent utilisée pour l’achat d’une seconde résidence ou d’un appartement à mettre en location. Les parents donnent d’abord une somme d’argent à leurs enfants qui achèteront la nue-propriété d’un bien immobilier tandis que les parents acquièrent l’usufruit. Les parents profitent de l’usufruit toute leur vie durant et peuvent utiliser le bien comme seconde résidence ou le louer. Avec cet avantage supplémentaire qu’au décès des parent, l’usufruit s’éteint et que les enfants deviennent pleins propriétaires sans avoir le moindre euro de droits de succession à payer. Mais depuis le 1er juin, de telles constructions tombent en principe sous la loi anti-abus, raison pour laquelle nous la déconseillons.

Cette technique reste cependant possible dans certains cas. Par exemple, lorsque les enfants disposent des moyens nécessaires pour acheter la nue-propriété sans quels parents aient à leur faire un don au préalable.

BON À SAVOIR Si les parents font un don aujourd’hui et laissent passer quelques années avant de réaliser un achat scindé, le fisc ne pourra plus démontrer le lien entre donation et achat.

La clause de maison mortuaire

Les techniques qui sont utilisées dans une but fiscal uniquement sont en général des constructions sur papier, totalement artificielles. C’est le cas, par exemple, de la clause de maison mortuaire. Cette clause reprise dans le contrat de mariage attribue la totalité des biens communs à un des partenaires, cité nommément. Concrètement, on ne l’utilise que lorsqu’un des partenaires est atteint d’une maladie incurable et qu’il va mourir. Elle apporte un important avantage fiscal puisqu’il n’y a pas de droits de succession à payer. La raison juridico-fiscale en est que la totalité de la communauté est attribuée à un des partenaires sans qu’une condition de survie soit posée.

Et encore...

D’autres techniques reçoivent peut-être le feu rouge, comme le testament de grand-père (technique de saut de génération montée artificiellement) ou la clause de compensation (contrat de mariage où u couple marié sous le régime de la séparation de biens fait comme s’il existait une communauté).

De rouge à vert

Sans entrer dans les détails, relevons qu’en laissant passer suffisamment de temps entre deux opérations, le feu rouge peut souvent passer au vert dans certaines formes de planification successorale parce que le lien entre les deux opérations s’estompe. Pensons, par exemple, à l’apport d’un bien propre (comme de l’argent que vous avez hérité) dans les avoirs communs afin de pouvoir donner, à partir de la communauté conjugale, de manière fiscalement intéressante.

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