Donation et minorité (prolongée) : plus simple qu’on ne croit !

Les (grands-)parents attendent souvent que tous leurs (petits-) enfants soient majeurs pour leur faire une donation. Et cela parce qu’ils pensent qu’il faut obligatoirement passer chez le juge de paix pour faire un don à un jeune mineur ou en minorité prolongée. Eh bien, non !

L’idée subsiste chez beaucoup qu’une planification successorale quand il y a des enfants mineurs est une tâche ardue impliquant toujours de passer chez le juge de paix. En pratique, on constate un besoin croissant d’intégrer des jeunes mineurs ou en minorité prolongée dans une planification successorale.

Nous pensons, par exemple, à ces grands-parents qui souhaitent faire une donation tout à la fois à leurs enfants et à leurs petits-enfants parce que c’est nettement plus intéressant sur le plan fiscal. Ou à ces grands-parents qui, pour des raisons pratiques tout autant que fiscales, veulent faire une donation directement à leurs petits-enfants. Et souvent, la famille compte des enfants qui ne sont pas encore majeurs.

Autre situation de plus en plus fréquente : les familles recomposées. Un père, par exemple, veut donner une somme d’argent à ses deux fils nés de son premier mariage pour les aider dans leurs projets de construction. Mais pour ne pas faire de discrimination entre ses enfants, il veut donner la même somme à sa fille, 12 ans, née de son second mariage.

Sans juge de paix

Le principe juridique veut qu’un jeune mineur ou en minorité prolongée soit dit  » incapable  » et ne puisse donc pas accepter valablement une donation. Pourtant cela ne pose généralement pas de problème dans la pratique. Parce que, contrairement à ce que la plupart des gens pensent, les (grands-) parents n’ont pas besoin d’autorisation du juge de paix pour accepter une donation au nom de leur (petit-)enfant mineur. Ce que confirme l’article (trop peu connu) 935, alinéa 3 de notre Code civil :  » néanmoins, les père et mère du mineur émancipé ou non émancipé, ou les autres ascendants, même du vivant des père et mère, quoiqu’ils ne soient ni tuteurs ni curateurs du mineur, pourront accepter pour lui « . Les grands-parents peuvent donc en principe accepter pour un petit-enfant, même si cela se produit rarement. Sans entrer dans les détails, signalons encore que, si les parents sont décédés, le tuteur a, lui, besoin d’une autorisation spéciale du juge de paix.

Exemple René et Isabelle ont deux petits-fils. L’aîné fait construire et ils lui donnent 30.000 euros par don bancaire. Ils veulent donner la même somme à leur autre petit-fils qui est mineur. Le montant de 30.000 euros va donc être transcrit – comme pour un don bancaire classique – du compte des grands-parents sur le compte du petit-fils. Lorsque le virement est fait, un document (pacte adjoint : voir Plus Magazine n° 249, p. 70) est établi pour preuve du don bancaire. Il sera signé par les grands-parents (donateurs) et par un des parents de l’enfant (bénéficiaire). On peut aussi établir cette preuve par le classique échange de lettres recommandées tout comme on peut faire une donation devant un notaire belge (3 % de droits de donation + honoraires) ou néerlandais (1.250 euros d’honoraires).

Un donateur suffit

Il suffit qu’un seul ascendant accepte la donation (parent, grand-parent voire arrière grand-parent)et il n’y a pas d’ordre de préséance à respecter non plus. Un grand-parent peut parfaitement accepter une donation au nom d’un petit-enfant alors que les parents sont en vie. N’importe quel ascendant (par exemple, le grand-père) peut accepter la donation, même si les autres ascendants (par exemple, le père et la mère) sont d’avis qu’il faudrait la refuser. Il se peut bien sûr aussi que les parents veuillent faire une donation à leurs enfants mineurs ou en minorité prolongée alors que les grands-parents sont déjà décédés. Les parents pourraient-ils d’un côté, jouer les généreux donateurs pour leurs enfants mineurs ou en minorité prolongée et de l’autre côté, accepter cette donation qu’ils font eux-mêmes ?

Un seul des parents donne

Il est généralement admis qu’une donation effectuée par un parent puisse être acceptée par l’autre. La mère peut, par exemple, donner 50.000 euros à sa fille mineure (ou en minorité prolongée) et le père accepte la donation.

ATTENTION ! Ce n’est possible que si vous donnez des biens propres tels que de l’argent que vous avez reçu en héritage ou par donation. Ce n’est en principe pas possible pour des biens communs, ce qui, en pratique, est fort ennuyeux parce que, pour la plupart des couples mariés, la totalité des biens sont communs. Mais un peu de créativité peut venir à bout de cet obstacle via ce que l’on appelle  » l’acceptation croisée « .

Donner avec charge

Lorsqu’on fait une donation, on peut aussi l’accompagner d’une charge. Par exemple, le donateur donne 100.000 euros mais assortis de la charge de pouvoir demander un montant X si nécessaire. Il faut toutefois être prudent lorsqu’on veut faire une telle donation avec charge à un mineur car il ne faut pas en arriver à ce que la charge soit tellement lourde qu’il ne soit finalement plus question de donation. Mais qu’en est-il si la charge est tout à fait raisonnable ? Un enfant reçoit, par exemple, 100.000 euros à charge pour lui de donner un montant annuel de 2.000 euros au donateur s’il le demande. Lorsque la charge semble très raisonnable, la loi ne s’y opposera pas. Nous vous conseillons cependant de demander d’abord l’autorisation du juge de paix si vous avez le moindre doute.

BON À SAVOIR Un grand-parent peut, sans autorisation d’un juge de paix, accepter une donation avec réserve d’usufruit pour un enfant mineur. L’usufruit n’est pas une charge.

L’acceptation croisée : une solution sûre

Selon certains juristes, la donation de biens communs peut être acceptée de manière  » croisée « . Cela signifie donc que le père de l’enfant mineur accepte la part de biens communs donnée par la mère et inversement (la mère accepte la part donnée par le père). Pour d’autres juristes, ce n’est pas possible parce que, dans ce cas, les parents sont à la fois donateurs et bénéficiaires. Un tuteur ad hoc, qui doit avoir reçu l’autorisation du juge de paix, est une solution valable. Quoi qu’il en soit, cela vaut la peine d’envisager l’acceptation croisée car la seule sanction possible est que le mineur lui-même réclame la nullité, ce qui semble fort peu probable. En outre, l’enfant mineur pourra confirmer la donation dès qu’il aura atteint la majorité.

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