Construire sur le terrain du partenaire

Dans un couple, un des partenaires possède parfois un terrain à bâtir. Que se passe-t-il lorsque ce couple décide de construire ?

Contenu:

Vous êtes marié sous régime de communauté de biens
Vous êtes marié sous régime de séparation de biens
Vous êtes cohabitant

Un important principe de notre droit civil a pour nom le droit d’accession. Issu du droit des biens, il veut que le propriétaire d’un terrain devienne automatiquement propriétaire de tout ce qui est construit dessus. Il est évident qu’un tel principe peut être source de problèmes au sein d’une relation matrimoniale ou de cohabitation. Mais que se passe-t-il si la relation capote ? Ou si l’un des partenaires décède ?

Vous êtes marié sous régime de communauté de biens

Si les conjoints sont mariés sous un régime de communauté de biens et qu’ils acquièrent un terrain à bâtir pendant le mariage, ils ne sont pas concernés par le principe du droit d’accession : le terrain tombe dans la communauté conjugale et les deux époux en sont propriétaires, chacun pour moitié. Sauf exception !

Quand le terrain appartient-il à l’un des conjoints ?

Il se peut qu’un terrain à bâtir acheté pendant le mariage appartienne exclusivement à un des conjoints.

  • C’est le cas lorsqu’un des conjoints achète le bien avec de l’argent qu’il a hérité ou reçu par donation (= argent propre) et qu’il fait indiquer expressément dans l’acte d’achat que l’acquisition est faite à titre de remploi de fonds propres.
  • Celui/celle qui achète un terrain à bâtir avant de se marier sous un régime de communauté de biens reste seul propriétaire du terrain. Il en va de même s’il/elle hérite d’un terrain ou le reçoit par donation pendant le mariage. C’est encore le cas – et on le perd trop souvent de vue – dans la situation suivante : supposons qu’Anne hérite avec son frère Jean d’un terrain à bâtir dont ils sont propriétaires indivis, chacun pour moitié. Anne a épousé Luc (sous régime de communauté de biens) et ils souhaitent construire sur ce terrain. Anne décide de puiser dans l’épargne constituée pendant son mariage pour désintéresser son frère Jean. Vous pourriez penser que, du coup, le terrain va faire partie des biens communs d’Anne et de Luc puisqu’il a été acheté pendant le mariage. Mais il n’en est rien : dans ce cas encore, le terrain restera un bien propre d’Anne parce qu’elle était déjà propriétaire de l’autre moitié de terrain.

Vous construisez sans prendre de dispositions préalables. Quelles conséquences ?

Partons d’un exemple. Marie est seule propriétaire d’un terrain et est mariée avec Julien. Pour construire sur ce terrain, ils puisent dans l’épargne constituée pendant le mariage et obtiennent un prêt de leur banque.

Si Marie décède

Elle sera seule propriétaire de la maison par droit d’accession. Conjoint survivant, Julien aura l’usufruit du terrain et de la maison tandis que la nue-propriété du terrain et de la maison reviendra à leurs enfants ou à la famille de Marie. Julien ne pourrait recevoir plus que si Marie prend des dispositions en ce sens par testament ou via un contrat de mariage.

Si Marie et Julien divorcent

Marie reste l’unique propriétaire du terrain et de la maison. Julien perd-il définitivement l’argent qu’il a investi dans la maison ? Non ! Les régimes de communauté de biens prévoient des comptes de récompense. Un conjoint est redevable d’une indemnité (récompense) chaque fois qu’il tire un avantage personnel de la communauté conjugale. L’épargne constituée pendant le mariage et investie dans la construction (ou la rénovation) de la maison provient du patrimoine commun, tout comme les revenus professionnels qui ont servi à rembourser l’emprunt. S’ils divorcent, Marie pourra garder la maison, mais elle devra indemniser la communauté conjugale à hauteur de ce qui a été investi dans le financement de la maison.

Quelles sont les précautions juridiques possibles ?

Il aurait été préférable que Marie et Julien aient fait du terrain à bâtir un bien commun avant de se lancer dans la construction d’une maison. Car, si le terrain est commun, la maison qui est construite dessus l’est aussi. Comment s’y prendre ?

  • La solution la plus évidente serait que Julien rachète la moitié du terrain à Marie et devienne ainsi copropriétaire. Le problème, c’est que la vente-achat est en principe interdite entre conjoints, sauf cas exceptionnels et moyennant autorisation du tribunal (art. 1595 du Code civil).
  • Marie pourrait donner la moitié du terrain à Julien mais ce n’est pas non plus l’idéal. Le terrain se divise alors en deux avoirs propres, chacun pour moitié, il est vrai mais sans rejoindre la communauté conjugale. Par ailleurs, une donation entre époux est révocable à tout moment (sauf si elle est faite dans le contrat de mariage). Et des droits de donation sont dus.
  • La meilleure solution (et la moins coûteuse) consiste à faire entrer le terrain de Marie dans la communauté conjugale. Ce qui peut se faire avant le mariage (dans le contrat de mariage), mais aussi pendant le mariage par une modification du contrat. Le prélèvement fiscal reste limité à un droit d’enregistrement fixe (25 euro). L’apport réalisé par Marie à la communauté conjugale revient en fait pour elle à renoncer gratuitement à la moitié de son terrain en faveur de Julien et cet abandon est en principe définitif. Mais l’apport du terrain à la communauté peut parfaitement être couplé à certaines modalités. Il est ainsi tout à fait possible de stipuler qu’en cas de dissolution du mariage, le terrain pourra être repris en valeur (indexée ou non depuis le moment de l’apport).

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Vous êtes marié sous régime de séparation de biens

Ce n’est que si les deux partenaires achètent le terrain ensemble avant ou pendant le mariage qu’il leur appartiendra en indivision (chacun pour moitié, à moins qu’une autre répartition ne soit indiquée dans l’acte d’achat). Si, plus tard, ils font construire sur ce terrain, la maison leur appartiendra aussi en indivision.

Vous construisez sans prendre de disposition préalable. Quelles conséquences ?

Lorsque le terrain appartient à l’un des deux conjoints et que le couple décide d’y construire une maison, les conséquences sont comparables à celles qui se rapportent au régime de communauté de biens. Avec, toutefois une importante différence : dans le régime de séparation de biens, il n’existe pas de système de comptes de récompense. Si les conjoints veulent prévoir un tel système, ils doivent faire insérer les clauses nécessaires dans le contrat de mariage.

Quelles sont les précautions juridiques possibles ?

Si le terrain est la propriété d’un seul des deux conjoints, ils peuvent envisager d’introduire une petite modification dans leur régime matrimonial : ajouter à la séparation de biens une communauté limitée qui porterait exclusivement sur le terrain (et la maison qui y sera construite). La séparation de biens reste donc le régime matrimonial principal et les revenus professionnels, par exemple, restent des revenus propres, en dehors de la communauté, mais la maison devient un bien commun. Prendre une telle disposition vous coûtera 25 euro et elle peut être vraiment établie sur mesure, indiquant notamment la volonté des époux en cas de séparation.

Vous êtes cohabitant

Vous n’êtes pas marié mais vous cohabitez – de fait ou légalement – et vous avez des projets de construction ? Mieux vaut rendre visite à un notaire. Si le terrain appartient aux deux cohabitants, chacun pour moitié, la propriété de la maison se partagera aussi 50/50 entre eux.

Vous construisez sans prendre de disposition préalable. Quelles conséquences ?

Si le terrain est la propriété d’un seul des deux conjoints, la maison qui y sera construite aussi appartiendra à lui/elle seul(e). Mais si la maison sert de domicile familial, le propriétaire ne pourra pas la vendre seul ni la donner en hypothèque.

ATTENTION ! Cette règle ne s’applique qu’aux cohabitants légaux (qui ont fait une déclaration de vie commune auprès du fonctionnaire de l’administration communale) et non aux cohabitants de fait. Elle n’est en outre valable que pendant la durée de la cohabitation légale. Et, contrairement au mariage, une cohabitation légale peut être interrompue unilatéralement et à tout moment par chacun des partenaires.

Quelles sont les précautions juridiques possibles ?

Les cohabitants ont tout intérêt à prendre des accords (juridiques et financiers) clairs si le terrain appartient à un seul des deux. La meilleure solution consiste ici aussi à en faire un bien commun.

  • A la différence des conjoints, les cohabitants peuvent se vendre et s’acheter des biens. Des droits d’enregistrement seront dus sur la moitié de la valeur du terrain (10 % en Flandre, 12,5 % à Bruxelles et en Wallonie).
  • Il est également possible de donner la moitié du terrain au partenaire non propriétaire. Les donations entre cohabitants sont irrévocables, contrairement à celles faites entre époux. Attention : il faudra payer des droits de donation. Notez à ce sujet que si le terrain est situé en Flandre, il bénéficie d’un tarif préférentiel jusqu’au 31 décembre 2009. Le taux des droits de donation sur un bien immobilier est réduit de 2 % sur une valeur de 150.000 euro.Tenez compte également du fait que, si le terrain est situé en Région bruxelloise ou en Wallonie, une donation entre cohabitants n’est conseillée qu’entre cohabitants légaux. Dans ces deux Régions, les cohabitants de fait se voient appliquer le tarif entre  » étrangers  » qui grimpe rapidement très haut.
  • Il n’est pas possible pour des cohabitants de faire entrer le terrain dans une sorte de communauté conjugale mais il existe une solution intermédiaire. Le partenaire qui est seul propriétaire du terrain peut le rester tandis que la maison qui sera construite deviendra la propriété des deux partenaires. Il suffit que, par acte notarié (et ce peut être intégré dans le contrat de vie commune), le propriétaire du terrain accorde à son/sa partenaire un droit de superficie sur la moitié indivise de son terrain. Un droit de superficie est un droit temporaire (50 ans maximum) de construire sur le terrain appartenant à un autre. Un contrat accordant un droit de superficie met hors jeu le principe de droit d’accession décrit plus haut. Résultat : le propriétaire reste seul détenteur du terrain tandis que la maison appartiendra aux deux cohabitants.

Si plus tard, terrain et maison sont vendus, parce que la relation a pris fin, par exemple, le partenaire-propriétaire du terrain recevra, sur le prix de vente, la somme qui correspond à la valeur totale du terrain ainsi que la moitié de la valeur de la maison, l’autre moitié du prix de vente de la maison revenant à l’autre partenaire.

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