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6 questions juridiques sur les applications médicales

La santé mobile ou m-Santé a le vent en poupe. D’un point de vue médical, le progrès est énorme. Mais qu’en est-il de la sécurité, du remboursement, du respect de la vie privée et de la responsabilité ?

Surveiller son rythme cardiaque, enregistrer son taux de sucre, mesurer sa tension artérielle, ... Les app stores proposent aujourd’hui plus de 120.000 applications médicales en ligne. Le concept de santé mobile englobe toutes les applications médicales et de santé sur appareils mobiles (GSM, smartphone, tablette, technologie wearable et insidable). Ces applications permettent une interaction entre le médecin et son patient, n’importe où, à toute heure du jour et de la nuit. Les applications médicales comme Fibricheck ou MoveUP, poursuivent un objectif médical mais il existe aussi quantité d’applications bien-être comme Fitbit et 8Fit axées sur le mode de vie, le bien-être et le coaching personnel de l’utilisateur. Ces dispositifs tiennent, eux, davantage du gadget.

1. Comment savoir si une application médicale est qualitative, sûre et fiable?

Il n’existe pas (encore) de label de qualité pour les applications médicales en Belgique. Il est donc vivement conseillé de lire attentivement le manuel du logiciel, les informations du fabricant et les critiques éventuelles. Vérifiez également si l’application porte le marquage CE. Les applications médicales non marquées CE ne peuvent pas être commercialisées sur le marché européen. Elles ne peuvent donc pas être reprises dans l’app store d’Apple ou le playstore de Google.

Votre médecin doit s’assurer que l’application est un dispositif médical à part entière. Il ne peut pas vous proposer une application vétuste et elle doit être conforme à la législation relative aux dispositifs médicaux et produire les résultats médicaux annoncés.

Certains pays voisins ont développé un outil en ligne permettant à l’utilisateur d’une application médicale de vérifier si elle est de qualité, fiable et sûre. C’est le cas de www.mhealth-quality. eu/store.php en France et de apps.beta.nhs.uk au Royaume Uni. Ces sites internet sont consultables depuis la Belgique.

2. La protection de la vie privée est-elle assurée ?

Les applications médicales sont équipées de senseurs qui mesurent, collectent et/ou enregistrent les informations relatives à votre santé. Ces données peuvent être enregistrées localement sur votre smartphone ou envoyées à une plate-forme digitale extérieure. Elles constituent une formidable source d’informations pour les scientifiques, les sociétés pharmaceutiques, les assureurs, les experts en marketing et les autorités. Mais la vente de ces données à des fins purement commerciales est tout à fait illégale et sévèrement sanctionnée.

Les concepteurs et les fabricants d’applications doivent demander l’autorisation de traiter les informations collectées par le biais d’une application médicale. Ils doivent aussi se conformer aux dispositions de la nouvelle réglementation européenne en matière de protection de la vie privée : le règlement général sur la protection des données (RGPD).

3. Le médecin est-il responsable en cas de mauvaise décision prise sur base des informations fournies par l’application ?

Si vous subissez un dommage du fait de l’utilisation d’une application médicale prescrite par votre médecin, vous pouvez le tenir pour responsable. Il vous faudra toutefois établir le dommage, prouver la faute du médecin et démontrer que le dommage subi résulte de cette erreur.

L’utilisateur, lui, est censé adopter un comportement responsable et collaborer avec le médecin. Il doit l’informer avec précision de tout problème rencontré dans l’utilisation de l’application. Il doit suivre à la lettre les conseils et les instructions du médecin. Si le médecin demande par exemple de le prévenir immédiatement en cas d’alarme sonore ou de se rendre à l’hôpital dans les 24 heures et que le patient ne le fait pas, ce dernier est en faute. Si le patient omet de recharger son smartphone et que l’application devient de ce fait inefficace, il fait preuve de négligence. Si cette négligence entraîne un dommage, le patient est le seul responsable.

4. La responsabilité du fabricant de l’application est-elle aussi engagée ?

Supposons que vous n’ayez pas pris le bon dosage de médicament à cause du mauvais fonctionnement de l’application. Dans ce cas, le fabricant de l’application médicale peut être tenu pour responsable. Le fabricant doit veiller à ce que l’application soit infaillible et les résultats et les rapports correctement transférés au médecin. Par contre, si la faute relève du médecin qui omet de prendre connaissance d’un rapport ou l’interprète mal, le fabricant ne pourra pas être tenu pour responsable.

5. En cas de dommage, puis-je m’adresser au Fonds des accidents médicaux ?

Le Fonds des accidents médicaux a pour vocation d’intervenir en faveur des patients ayant subi un dommage résultant d’un accident médical. Il est possible d’introduire une demande d’indemnité auprès du Fonds si on a subi un dommage du fait de l’utilisation d’une application médicale mais uniquement si le médecin a commis une erreur. Si la faute relève du fabricant, il faut saisir le tribunal pour obtenir une indemnité car le Fonds n’est pas compétent pour se prononcer sur les dommages causés par des produits défectueux, comme une application médicale.

6. Les applications médicales sont-elles remboursées ?

À l’heure actuelle, l’assurance maladie ne prévoit aucun remboursement pour l’utilisation d’applications médicales. Certaines mutualités soutiennent toutefois quelques initiatives. Ainsi par exemple, la mutualité Partena finance l’utilisation de l’application médicale FibriCheck, capable de détecter la fibrillation ventriculaire, jusqu’à concurrence de 30 ? par an, avec une intervention de 10 ? par examen. La ministre de la Santé Publique Maggie De Block souhaite attribuer une place aux applications médicales dans le cadre des soins de santé réguliers et élabore actuellement un système de validation.

Par Julie Hantson, avocate

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