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5 questions sur l’épargne-carrière

Epargner du temps dans une tirelire, comme le font les enfants avec leur argent de poche ? C’est exactement l’idée qui a présidé à l’instauration du système de l’épargne-carrière.

Publiée au Moniteur l’an dernier, la loi relative au travail faisable et maniable contient une série de mesures visant à nous permettre de travailler jusqu’au jour de la pension. L’épargnecarrière compte parmi elles. Elle se fonde sur le libre choix puisque l’employeur n’est en aucun cas obligé de participer au système. Et quand bien même il le ferait, le salarié reste libre d’en profiter ou non.

1. Puis-je épargner du temps dès à présent ?

L’entrée en vigueur de la loi ne signifie pas que les salariés du secteur privé puissent déjà épargner du temps. Il faut d’abord que soit conclue une convention collective de travail (CCT) sectorielle qui définisse les périodes de temps qui peuvent être épargnées, la période pendant laquelle le salarié peut les épargner et la manière dont il pourra prendre ces jours épargnés. Adressez-vous à votre employeur pour savoir si une telle convention existe dans votre secteur.  » Les partenaires sociaux du secteur de la mode et de la confection négocient actuellement un accord, affirme le cabinet du ministre de l’emploi et de l’économie, Kris Peeters. Un certain nombre de grandes entreprises et d’organisations, comme la KU Leuven, ont déjà annoncé vouloir mettre en place un système d’épargne-carrière. « 

2. Quels jours puis-je épargner ?

La loi stipule qu’il n’est pas permis d’épargner tous ses jours de congés. On ne peut, par exemple, pas épargner les jours de congé légaux (20 jours dans le cadre d’un contrat de travail à 5 jours par semaine). En revanche, elle autorise l’épargne des jours supplémentaires ayant fait l’objet d’une convention collective (les jours conventionnels) et qu’on prend librement. Elle autorise également d’épargner les heures supplémentaires volontaires qu’on ne peut récupérer (maximum 100 heures ou plus s’il existe une convention collective), les heures prestées au-delà de la moyenne de la durée de travail hebdomadaire en cas d’horaire flottant et encore les heures supplémentaires prestées dans le cadre d’une nécessité imprévue ou d’un surcroît extraordinaire de travail et qui peuvent, au choix du salarié, être récupérées ou non.  » C’est une première, souligne le ministre Kris Peeters. Jusqu’ici, jamais les heures supplémentaires prestées au cours d’une année ne pouvaient être récupérées ultérieurement. C’est la CCT du secteur qui détermine si, oui ou non, les jours épargnés entrent dans le cadre de l’épargne-carrière. « 

Réservé à ceux qui ont beaucoup de congés

« L’épargne-carrière est surtout intéressante pour ceux qui ont beaucoup de jours de congé. Pour ma part, j’ai droit à 23 jours par an mais rien pour mon ancienneté alors que je travaille depuis très longtemps pour le même employeur. Comment pourrais-je épargner des jours ? Pour mes collègues et moi, l’épargne-carrière n’a aucun intérêt ! »

3. Et si je change d’emploi ?

Si vous quittez votre emploi pour travailler dans un autre secteur, l’ancien employeur devra payer les jours épargnés. Par contre, si vous restez dans le même secteur, vous conservez les jours déjà épargnés... pour autant que la CCT sectorielle l’ai prévu ! En tout état de cause, le salarié peut toujours demander à ce que ces jours lui soient payés.

4. Peut-on faire cadeau de ses jours épargnés à un collègue ?

En France, grâce à la loi Mathys, des salariés ont offert 330 jours de congé à une collègue pour qu’elle puisse rester auprès de sa petite fille atteinte d’une leucémie. Chez nous, la loi relative au travail faisable et maniable prévoit une disposition identique. Le texte précise toutefois que le système ne s’applique qu’aux jours de congés conventionnels et non aux jours qu’on épargne pour soi-même dans le cadre de l’épargne-carrière.

5. Peut-on transformer le temps en argent ?

Dans un premier temps, le salarié ne pourra épargner que du temps mais, à l’avenir, un arrêté royal l’autorisera à épargner des primes en argent (par exemple la prime de fin d’année) pour les convertir ultérieurement en jours de congé payés. En plus d’octroyer des jours dans le cadre de l’épargne-carrière et des jours de congé légaux, la loi sur le travail faisable et maniable comprend d’autres dispositions que l’on peut consulter sur le site www.emploi.belgique.be.

Epargner du temps pour ses petits-enfants

« Je trouve trés bonne l’idée d’épargner des jours de congé pour pouvoir les prendre ultérieurement. J’ai 56 ans, mais je n’ai pas droit au crédit-temps parce que j’ai été longtemps indépendante. Et comme je vis seule, je ne peux financièrement pas me permettre de travailler à temps partiel. Je deviendrai bientôt grand-mère et je suis donc très heureuse d’avoir la possibilité d’épargner un maximum de jours pour avoir du temps à consacrer plus tard à mon petit-enfant. »

Cathy Geert (SD-Worx)  » Nous avons mis notre propre système en place « 

5 questions sur l'épargne-carrière
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Si une entreprise peut proposer une épargne-carrière à ses salariés dans le cadre de la loi sur le travail faisable et maniable, elle peut aussi mettre en place son propre système. C’est ce qu’a fait, dès l’an dernier, le prestataire de services SD-Worx, qui n’a donc pas attendu la loi. Parmi ses 1.800 salariés, 214 ont déjà commencé leur épargne-carrière, ce qui représente 682 jours de congé extra légaux.  » Cette épargnecarrière a pour cadre notre Flex Income Plan, explique Cathy Geerts, directrice des ressources humaines. Nos salariés ont la possibilité d’adapter une partie de leur package salarial à leurs besoins personnels. Ils peuvent échanger un certain nombre d’avantages de ce package contre un budget virtuel. Qui épargne des jours de congé peut les prendre ultérieurement dans sa carrière, mais peut aussi choisir d’échanger du temps contre de l’argent, une disposition que ne prévoit pas encore la loi. Personnellement, j’ai choisi de consacrer ce budget à l’achat d’un vélo électrique. « 

Naturellement, le système a des limites et tous les jours de congé ne peuvent être utilisés de manière flexible.  » Nous estimons important que chacun prenne ses congés légaux et les douze jours de réduction du temps de travail, précise Cathy Geert. Mais nos salariés peuvent parfaitement épargner les trois jours de congé extra-légaux ainsi que les jours d’ancienneté. Les plus anciens dans la maison peuvent facilement atteindre 5 à 6 jours par an et sont heureux du système mis en place. Mais les jeunes collaborateurs sans enfants qui projettent un long voyage le sont tout autant ! Je constate que le système intéresse également ceux qui souhaitent réduire leur temps de travail par le biais du crédit-temps mais en sont empêchés parce que le seuil de 5 % est atteint et qu’ils doivent donc attendre leur tour. Pour nous, il est important que l’épargne-carrière soit un droit qu’on ne puisse refuser à qui que ce soit. Notre seule exigence est que le salarié avertisse son chef de service suffisamment à l’avance. « 

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