LA CHRONIQUE DE GUY LEGRANDancien rédacteur en chef de Cash ! © FRANK BAHNMÜLLER

Pouvoir d’achat... et discipline

Difficile, au cours des derniers mois, de n’avoir pas entendu parler de ces « gilets jaunes », auteurs de nombreuses manifestations et d’innombrables blocages de routes en France (et plus marginalement en Wallonie). Pour rappel, ce mouvement avait pour catalyseur la hausse des taxes sur les carburants et pour revendication première le maintien du pouvoir d’achat. Il témoigne de l’incroyable force des réseaux sociaux, aussi vrai qu’il est parti de la base, sans soutien d’une quelconque organisation structurée. Il constitue aussi un sérieux avertissement à l’égard des gouvernements qui pensent pouvoir augmenter la pression fiscale sans résistance, dès l’instant où le coup de bambou est paré de vert : accroître la taxation sur les carburants n’a d’autre but que de faire moins rouler, et donc moins polluer, n’est-ce pas ? Personne n’oserait dès lors protester, n’est-ce pas ? Eh bien, c’est faux !

Des consommations nouvelles s’imposent dans les dépenses de base.

Une autre leçon de ce mouvement est que la population, habituée à une progression du pouvoir d’achat quasiment ininterrompue, ne supporte guère qu’il stagne durant quelques années, a fortiori qu’il recule légèrement. Estce d’ailleurs la réalité ou une impression ? Ou un peu des deux ? Les chiffres rassemblés par Statbel et les études du Bureau du Plan permettent de s’en faire une idée pour la Belgique.

D’un côté, il est vrai que le pouvoir d’achat moyen de la population n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008. Les salariés s’en sortent assez honorablement, mais pas les personnes vivant au moins en partie de revenus mobiliers ou immobiliers. D’un autre côté, ces mêmes statistiques illustrent à quel point la consommation a progressé depuis le début du siècle, en quantité comme en qualité. En 2000, un quart à peine des ménages belges avaient une connexion internet et moins de la moitié un smartphone. On dépasse aujourd’hui les 80 % pour la première et on frise les 100 % pour le second. Avec les abonnements plus ou moins conséquents que cela signifie chaque mois... et qui dérapent parfois chez certains. Or, observent économistes et sociologues, de pareilles « consommations nouvelles » s’imposent d’autorité dans les dépenses de base, ce qui restreint le budget disponible et engendre une impression de baisse du pouvoir d’achat, laquelle est dès lors à la fois vraie et fausse. Ce n’est cependant pas tout. Si on ne peut nier qu’une partie de la population a vraiment du mal à joindre les deux bouts, on ne peut occulter qu’une autre s’idéalise en victime consentante d’un marketing qui la pousse à acheter ce dont elle n’a pas besoin. Et la rend par exemple fière d’arborer le dernier modèle de chez Machin, y compris devant les caméras de la télévision, alors que le précédent fonctionne à merveille. Le pouvoir d’achat dépend aussi de la discipline du consommateur !

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