Vivre sans frigo, pas impossible

Par habitude, nous rangeons au réfrigérateur quantité d’aliments qui n’ont rien à y faire. Il est tout à fait possible de rationaliser son utilisation... voire de s’en passer !

Que celui qui n’a jamais trouvé son réfrigérateur trop petit lève le doigt ! Aujourd’hui, presque tous les produits frais ont tendance à y être rangés : fruits et légumes, laitages, produits préparés, sauces, oeufs, charcuteries, viandes, poissons...

 » Le frigo est très pratique, à tel point qu’il est devenu un automatisme et qu’on ne réfléchit plus à ce qu’on y met, confirme Renaud De Bruyn, expert alimentation au sein de l’asbl Eco Conso, qui vise à encourager les comportements de consommation respectueux de l’environnement et de la santé. Pourtant, plein d’aliments n’ont rien à y faire, car c’est soit inutile, soit carrément contre-productif. « 

Le paradoxe du concombre

C’est notamment le cas de la plupart des fruits et légumes entiers, qui se conserveront tout aussi bien, voire mieux, en dehors du réfrigérateur.  » Prenez l’exemple du concombre, poursuit l’expert. A température ambiante, il se conserve très facilement. Mettez-le au frigo et, en quelques jours, il deviendra mou, d’une consistance peu appétissante. Les bananes, elles, y noircissent plus vite.  » Certains aliments d’origine animale peuvent également quitter le réfrigérateur sans danger, s’ils sont consommés dans des délais raisonnables : les oeufs, tout du moins ceux produits chez nous, conservent ainsi une membrane organique sur leur coquille qui empêche toute contamination bactérienne. Les charcuteries sèches, fumées ou non, résistent très bien aux températures clémentes avant d’être tranchées, à l’instar de certains fromages. Suivant les cas, pour assurer aux aliments des conditions de conservation optimales, il suffira de les laisser à l’air libre ou de quelques aménagements (voir encadré).

Au final, seuls les mets les plus fragiles (viande et poisson frais, flacon de lait ouvert, restes alimentaires, légumes coupés, plats préparés...), nécessitent réellement une réfrigération. Or, ils n’occupent le plus souvent qu’une minorité des compartiments... De quoi inciter certains à se lancer carrément dans l’aventure du  » no frigo « , pour faire des économies ou réduire leur empreinte écologique. A lire les blogueurs relatant leur expérience en ligne, cela n’a rien d’une gageure : tout au plus faut-il aimer se mettre aux fourneaux (adieu, petits plats sous vide !), changer quelques-unes de ses habitudes (calculer les quantités achetées et préparées pour éviter les restes, réduire sa consommation de viande ou devenir végétarien) et remettre au goût du jour quelques techniques d’antan...

Comme avant

C’est qu’il existe quantité d’alternatives domestiques au froid artificiel pour conserver ses aliments : qu’on pense au simple beurrier, à la mise en bocaux, au garde-manger à la cave. A l’instar de nos grands-parents, l’Homme a vécu des millénaires sans réfrigérateur, sans pour autant manger des aliments pourris : la consommation de viande faisandée au Moyen-Âge est par exemple un mythe tenace, mais complètement faux. C’est ce constat qui a poussé Pierre Leclercq, cuisinier et historien spécialiste de l’alimentation, à ne pas racheter de réfrigérateur lorsque le sien a rendu l’âme au printemps 2018.

Pas de chance : l’été fut caniculaire. Et pourtant... « Je n’ai pas eu de problèmes, alors que je ne fais mes courses qu’une fois par semaine et que je consomme des crudités, explique-t-il. Par 30 °C, mes pots de yaourts ont été conservés à température ambiante et sont restés tout à fait consommables. Idem pour le beurre dans son beurrier, même s’il était particulièrement mou... Il faut se rappeler que ces deux produits sont, déjà à la base, des techniques de conservation du lait ! Quant aux boissons à température ambiante, on s’y fait assez facilement, c’est même plus désaltérant. « 

Restait le problème des aliments frais nécessitant une réfrigération.  » J’ai pris l’habitude de cuisiner tous mes plats de la semaine au retour des courses : j’appertise le tout en portions individuelles dans des bocaux [l’appertisation vise à faire bouillir contenu et contenant, c’est le principe de base de la mise en conserves, ndlr], que j’ouvre au fur et à mesure.  » Petite mise en garde, toutefois :  » l’appertisation est une technique qui doit être bien maîtrisée car si elle est mal réalisée, le danger de voir se développer des bactéries pathogènes est bien réel. « 

Rationnaliser plutôt que supprimer ?

Pas sûr que tout le monde veuille prendre le risque !  » A moins d’acheter ses aliments au fur et à mesure et à ne plus faire de stock, le frigo reste souvent nécessaire, reconnaît Renaud De Bruyn. Le bon compromis serait de rationaliser son utilisation, pour opter pour un appareil plus petit, plutôt qu’un gros frigo américain. « 

Le frigo raisonné, mode d’emploi

En règle générale, il faut veiller à maintenir les aliments qui ne doivent pas nécessairement se retrouver au frigo au sec, à l’abri du soleil et à des températures trop élevées : la cave ou une pièce nonchauffée en hiver sont donc des lieux de stockage idéaux. Ce n’est toutefois pas indispensable si les aliments sont destinés à être consommés dans la semaine ! Dans la plupart des cas et sous nos latitudes, la température ambiante ne posera pas de problème.

La plupart des fruits comme les pommes, les poires... se conservent mieux sans se toucher, ni se mélanger, entreposés sur des clayettes (des planches à claire-voie), qui assurent une bonne aération et limitent le développement de moisissures. Là encore, ce n’est même pas essentiel si les fruits sont consommés dans les jours suivant l’achat.  » Par contre, si vous avez un pommier ou faites un achat de gros, c’est bon à savoir, souligne l’expert d’Ecoconso. Cela permet de conserver ses pommes bien plus longtemps. Même si leur aspect évolue avec le temps, elles restent comestibles et utilisables pour faire des compotes, par exemple. « 

Les légumes racines (carottes, navets, panais, etc.) se conservent mieux et plus longtemps sous une couche de sable légèrement humide, dans le frais de la cave. Les radis, eux, se conservent à l’envers, les fanes trempées dans un bol d’eau.

A température ambiante, on peut préserver le beurre du rancissement grâce à un beurrier  » à eau  » (où le beurre est protégé de l’oxydation grâce à l’eau) ou à un beurrier  » breton  » (ce dernier est  » mouillé « , l’évaporation naturelle rafraîchissant le beurre).

Enfin,  » d’une manière générale, tout ce qui n’est pas vendu réfrigéré peut se garder en-dehors du frigo, tant que cela n’est pas entamé « .

Plus d’infos : www.ecoconso.be

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