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Kit ADN : arnaque ou pas ?

Julie Luong

Des tests génétiques disponibles via internet permettent d’en savoir plus sur ses ancêtres, les maladies qu’on risque de développer ou le régime le plus adapté pour perdre du poids. Mais sont-ils fiables ?

Avez-vous du sang espagnol ? Breton ? Indien ? Aux États-Unis, une nation jeune caractérisée par le métissage, le business de l’ADN a d’abord été celui des origines ethniques. Plus de 10 millions d’Américains ont ainsi fait analyser leur génome pour connaître leurs ancêtres mais aussi leurs risques de développer telle ou telle maladie. Le kit d’analyse ADN est même devenu outre-Atlantique un classique des cadeaux de Noël... Crachez dans le tube en plastique, renvoyez-le par la poste et à vous les informations sur votre passé... mais aussi sur votre avenir ! AncestryDNA, la société israëlienne MyHeritage ou encore 23andMe, une société proche de Google, sont aujourd’hui les leaders de ce marché. Avec, derrière, de multiples interrogations éthiques.

Il n’existe pas un gène qui donne une intolérance alimentaire, l’environnement et le mode vie jouent également un rôle !

En 2013, la Food and drug administration (FDA) a ainsi interdit les tests de santé proposés par 23andMe. Elle l’a cependant levé en 2017 pour une dizaine de pathologies, dont Parkinson, Alzheimer et la maladie coeliaque... tout en précisant que ces tests n’étaient qu’un indicateur et que d’autres facteurs liés à l’environnement et au mode de vie devaient être pris en compte.

 » Le problème de ces tests, explique Vincent Bours, chef du service de génétique au CHU de Liège, c’est qu’il n’y a pas de consultation médicale associée ni avant ni après le tests. Contrairement à ce que nous pratiquons dans les centres de génétique, le patient n’est donc pas du tout accompagné dans la manière dont il faut interpréter ces résultats. « 

Autre problème : ces grandes sociétés disposent aujourd’hui d’une base génomique colossale qu’elles sont susceptibles de revendre à l’industrie pharmaceutique.  » Il ne faut pas s’y tromper : si ces tests ADN sont devenus de plus en plus accessibles, c’est certes grâce aux progrès technologiques mais c’est aussi parce que ces données génétiques génèrent de l’argent. De plus, il s’agit en général d’analyses beaucoup plus simples que celles proposées dans un centre de génétique « , poursuit Vincent Bours.

Une analyse ADN à la carte disponible en Belgique

En Belgique, la société Gene Plaza, émanation de InSilico DB, une spin-off de l’ULB et de la VUB, propose depuis peu ce type de tests.  » Notre business model est différent de celui de ces grandes boîtes américaines. Nous avons créé une plateforme qui permet à tous les chercheurs d’ajouter des données génétiques. Et nous ne revendons pas les données à des firmes : elles appartiennent entièrement à l’utilisateur « , explique Alain Coletta, cofondateur de Gene Plaza et docteur en bioinformatique.

Pour 145€, il est donc possible de faire analyser son ADN en toute confidentialité. Une fois les résultats disponibles, il ne reste plus qu’à choisir parmi la dizaine d’applications disponibles (environ 5€ chacune), dont une dédiée à ces fameuses origines ethniques.  » Nous travaillons sur des pannels de référence publiques. Nous n’utilisons pas la notion de pays mais d’ethnicité. Ethniquement, le Belge n’existe pas vraiment, explique Alain Coletta. C’est un mélange entre le Français, le Hollandais... En revanche, les Basques ou les Irlandais sont des populations ethniquement stables depuis deux ou trois cents ans. « 

Du chronotype à la dépression

Une autre application vous permet de connaître votre chronotype, autrement dit de savoir si vous êtes génétiquement prédisposé à être plutôt du matin ou plutôt du soir...  » Certaines personnes sont toujours en décalage horaire social car elles n’arrivent pas à aller dormir tôt et elles n’arrivent pas non plus à se réveiller le matin, ce qui est parfois très difficile à vivre dans le monde des études, du travail. Ces personnes qui ont tendance à avoir une horloge retardée sont souvent très intéressées par cette confirmation génétique. « 

Une autre application propose de vous donner des informations sur votre risque de dépression, votre degré de neuroticisme (tendance aux émotions négatives associée à l’anxiété et aux phobies), votre sens du goût, votre manière de métaboliser la caféine... ou encore votre prédisposition génétique à prendre du poids.  » Il existe des données génétiques intéressantes sur ce qui conditionne l’obésité morbide ou l’obésité précoce. Mais par ailleurs, il faut savoir qu’une multitude de gènes interviennent dans notre métabolisme et dans la manière dont notre organisme répond aux aliments. Il faut donc manipuler ces informations avec énormément de prudence. Il n’existe pas un gène qui donne une intolérance alimentaire ou un gène qui indique qu’on doit prendre tel complément alimentaire, commente Vincent Bours. C’est bien simple, si ce déterminisme direct existait, les centres de génétique médicale comme le nôtre feraient ces tests ! « 

Alain Coletta ne dit pas le contraire :  » Nous ne proposons en aucun cas des diagnostics médicaux ou des outils de médecine prédictive. La motivation des clients, c’est surtout la curiosité. «  De l’art de mieux se connaître soi-même... à partir d’un échantillon de salive.

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