© GETTY IMAGES

Que peut-on (encore) faire au boulot ?

Au travail, on ne fait pas que... travailler. Est-il possible d’accueillir un enfant malade, de faire ses courses sur le temps de midi, de boire un p’tit coup ou de s’épandre en ligne ? Des experts répondent.

 » Dis maman, Julie peut-elle passer au bureau ? Je viendrai la chercher chez toi ce soir... «  C’est la période des examens. Il n’est pas encore midi mais Julie, qui est en première secondaire, va sortir de l’école. Elle va passer chez sa grand-mère qui travaille dans un bureau non loin de l’établissement scolaire. Elle va étudier sagement avant de repartir avec elle.

Enfant malade à garder ou petit arrangement familial : peut-on garder un enfant sur le lieu de travail ?  » Cette situation n’est pas organisée par la loi, précise Pascale Lambert, legal expert pour le secrétariat social UCM. Il faut être particulièrement attentif aux points suivants : défaut d’assurances en cas d’accident (qui ne sera évidemment pas reconnu comme accident du travail), dégâts éventuellement causés par l’enfant dans l’entreprise (l’assurance RC familiale interviendra-t-elle ?) et, ne sait-on jamais, en cas de contrôle, la problématique du travail des enfants... «  Bref, on ne peut pas emmener son enfant sur son lieu de travail sans l’accord de l’employeur. Les enfants ne sont en outre pas assurés en cas d’accident sur le lieu de travail. Leur présence est interdite dans des lieux où des manipulations dangereuses sont effectuées. Les solutions ? Elles se nomment congé sans solde, congé familial et télétravail.

Un jogging, des courses et un accident !

Autre cas de figure : un employé va courir durant sa pause déjeuner. Il est victime d’un accident. Est-ce un accident du travail ?  » En général, le législateur destine les pauses de midi au repas et à une brève détente, ajoute Pascale Lambert. Le travailleur est assuré pendant son repas au restaurant (d’entreprise) ou s’il va acheter de quoi manger. Des activités telles que faire ses courses ou pratiquer un sport n’ont en principe rien à voir avec le travail et si un accident survient durant leur déroulement, il ne sera donc pas reconnu comme un accident du travail.

Faire du sport pendant sa pause est considéré comme une activité privée qui n’est dès lors pas assurée. Une entreprise peut néanmoins adapter sa police d’assurance pour étendre sa couverture. La situation est par contre différente lorsque l’employeur organise, pendant la pause, des séances de jogging avec encadrement, liste de participants, trajet prédéfini... Le travailleur sera alors bel et bien sous l’autorité de son employeur. « 

L’alcool au boulot

Une étude de la KU Leuven sur la consommation d’alcool a révélé que 10 % des travailleurs reconnaissent que les effets de leur consommation se font ressentir pendant les heures de travail. Retard, absentéisme, performances en dents de scie, accidents, conflits avec les collègues... L’alcool peut poser problème. A tel point que, dans la théorie, l’employeur pourrait faire souffler le travailleur potentiellement alcoolisé. Mais un tel test de dépistage ne pourra être effectué que s’il est prévu par le règlement de travail et qu’une politique de prévention en matière d’alcool et de drogues a été élaborée.

Les tests ne peuvent être réalisés que moyennant le consentement du travailleur.  » Tout d’abord, de tels tests ne peuvent être effectués qu’à l’abri du regard des autres collaborateurs, avance Olivier Marcq, juriste chez Acerta. La convention collective de travail (CCT) 100 régule la politique en matière d’alcool et de drogues des entreprises. Dans les faits, il est difficile d’utiliser la question de l’alcool pour sanctionner un travailleur. Spécialement quand l’alcoolisme est une maladie, ce qui impliquerait une potentielle discrimination envers un collaborateur malade. « 

Ce sont donc les conséquences de la prise d’alcool ou de drogue qui impliqueront une mise en demeure.  » L’employeur mettra effectivement l’accent sur les manquements du travailleur sur son lieu de travail (comportement inadéquat, absences, improductivité) plutôt que son penchant pour l’alcool. « 

Les adeptes de l’absentéisme virtuel

Autre source de conflit : le surf à caractère privé. Les travailleurs européens surfent en moyenne 50 minutes par jour à des fins personnelles quand ils sont au bureau.  » La matière relative au surf sur internet et à l’usage des mails est réglée par la CCT 81, annonce Pascale Lambert. En résumé, l’employeur qui souhaite contrôler l’usage privé de l’e-mail et de l’accès internet sera tenu de respecter différents principes. Le contrôle ne peut s’envisager que pour prévenir des faits illicites (bonnes moeurs, piratage, protection des intérêts économiques).

Seules les données pertinentes et non excessives par rapport à la finalité poursuivie peuvent être collectées. Il doit s’agir de données globales, par exemple le nombre d’e-mails transmis par poste de travail. L’employeur doit, préalablement à tout contrôle, en informer préalablement les travailleurs.

La sanction ? Si l’employeur détecte une anomalie, il peut procéder à une individualisation des données pour identifier un travailleur. L’idée sera d’obtenir des explications. Ce n’est qu’ensuite qu’une sanction pourra être envisagée, tel un avertissement par exemple. « 

Et critiquer son entreprise sur Facebook ?

Peut-on critiquer l’entreprise pour laquelle on travaille sur Facebook ?  » Ici deux principes s’opposent, à savoir la liberté d’expression et le devoir de loyauté du travailleur envers son employeur « , rappelle Alexandra Dhooghe de Securex. Toute liberté connaît des limites.

 » Le droit de critique du travailleur doit s’exercer de manière raisonnable, en tenant compte du bon fonctionnement de l’entreprise. Il ne sera pas toujours facile de déterminer pour un employeur si on a réellement affaire à des injures. En effet, les propos tenus sur les réseaux sociaux ont ceci de particulier qu’ils peuvent parfois s’apparenter à des échanges verbaux, de par leur caractère spontané. Ce qui peut amener une personne à ne pas nuancer suffisamment ses propos. Il peut par ailleurs être difficile de déterminer si l’auteur d’un message publié a réellement eu l’intention de le rendre public. Il existe sur tout réseau social un système de paramétrage de confidentialité. « 

Mais les utilisateurs des réseaux sociaux n’ont pas toujours pris la peine de configurer les paramètres de sécurité.  » En cas de conflit, poursuit Alexandra Dhooghe, les cours et tribunaux procèdent à une analyse détaillée des circonstances concrètes de l’affaire avant de se prononcer : caractère public des critiques, fonction du travailleur, climat social, caractère agressif ou insultant des critiques... On peut cependant constater que les juges sont de moins en moins enclins à la clémence quant à une prétendue ignorance du caractère public des réseaux. «  Pour prévenir ce genre de situation désagréable, l’employeur devrait prévoir des règles relatives à la participation aux médias sociaux et mettre en place un  » code de conduite « . À suivre même en dehors des heures de travail, selon Securex.

Contenu partenaire