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La santé grâce aux légumes fermentés

Faits maison ou achetés en magasins, les légumes fermentés en bocaux constituent l’une des grandes tendances food de 2019. À raison, sur le plan diététique ?

La nutrition aussi connaît des phénomènes de mode : ces derniers mois, les bocaux de légumes fermentés ont le vent en poupe. Faciles à réaliser soi-même, plébiscités par de grands noms de la gastronomie – Sang-Hoon Degeimbre, du restaurant belge l’Air du Temps**, s’en est fait une spécialité -, ils ont en plus l’avantage de constituer une technique de conservation écologique et globalement saine, tout en étant déroutante sur le plan gustatif. Le tout, grâce à de simples bactéries et à un processus naturel, celui de la lacto-fermentation.

 » Pour conserver un aliment, il faut principalement prendre en considération deux choses : limiter la prolifération des bactéries, surtout celles qui sont nocives, et/ou l’oxydation, explique Serge Pieters, professeur de diététique à l’Institut Paul Lambin. On retrouve ici le double processus.  » Pour faire simple, la lacto-fermentation consiste à plonger un légume dans une saumure, ou à le râper et à le compresser avec du sel dans un bocal. L’objectif ? Empêcher le contact avec l’air et créer un milieu favorable au développement de certaines bactéries inoffensives, voire bénéfiques, naturellement présentes dans la plante.

 » Ces bactéries anaérobies (qui n’ont pas besoin d’oxygène pour survivre, Ndlr) vont rapidement transformer certains sucres présents dans le légume en acide lactique. Le PH va alors diminuer et les autres micro-organismes ne pourront pas se développer dans ce milieu, trop acide.  » La fermentation s’arrête d’elle-même une fois un certain seuil d’acidité atteint : les bactéries anaérobies cessent alors leur activité, le produit est stabilisé. De quoi conserver les légumes plusieurs mois, voire davantage...

La technique est très ancienne, puisqu’on en retrouve des traces vieilles de trois mille ans, aussi bien en Asie qu’en Occident (voir encadré) ! Toujours très présent dans la gastronomie d’Extrême-Orient, notamment en Corée, ce conditionnement des légumes a longtemps disparu des assiettes européennes. Exception notable : la choucroute, qui n’est rien d’autre que du chou lacto-fermenté. D’où sa petite acidité si particulière...

Une technique ancienne... parmi d’autres

À partir du moment où l’homme est devenu sédentaire, il lui a fallu apprendre à conserver sa nourriture au moyen de nombreux processus. Fumage, séchage, sirops, salage, fabrication de fromages et bien sûr, fermentation lactique, sont autant de techniques qui étaient déjà au point bien avant notre Ère. Pour preuve, les Celtes consommaient déjà une sorte de choucroute dès 1.000 Av J.-C. ! Mais la fermentation lactique ne servait pas qu’à conserver les légumes : elle entrait (et entre toujours) en oeuvre dans la fabrication de nombreux produits : fromages, yaourts, pains au levain, saucissons...  » Ce n’est pas la seule fermentation qui s’est avérée très utile pour conserver les produits alimentaires, ajoute Pierre Leclercq, historien spécialiste de l’alimentation. La fermentation alcoolique est également une technique de conservation. D’ailleurs, pendant très longtemps, le vin ou la bière ont été avant tout considérés comme des aliments ! « 

Ce n’est qu’aux XIX et XXe siècle pour que va apparaître une nouvelle génération de méthodes de conservation : appertisation (mise en conserve), surgélation, réfrigération, lyophilisation et, plus récemment, électrification et irradiation (oui, oui !).

Envie d’en savoir plus sur l’histoire des méthodes de conservation ? Rendez-vous sur www.plusmagazine.be/conservation.

Du sel et bien d’autres choses

Mais si le goût aigre est l’une des caractéristiques les plus notables de la lacto-fermentation, ce processus a également une influence sur les propriétés nutritionnelles des aliments.  » Les bactéries vont dégrader une partie des fibres, améliorer la disponibilité de nutriments tels que les protéines et favoriser la digestibilité, énumère le professeur de diététique. Comme il n’y a pas de cuisson ni d’oxydation, la vitamine C, assez fragile, est bien conservée.  » Mieux : la concentration en vitamine C est souvent plus importante dans la plante fermentée que lorsqu’elle est fraîche. Il en va de même pour certains antioxydants comme les polyphénols.

Faut-il dès lors se ruer sur les légumes fermentés, pour autant qu’on en apprécie la saveur ?  » Comme toujours en diététique, il n’y pas d’aliments ou de modes de préparation/conservation idéaux, répond prudemment Serge Pieters. La fermentation constitue une méthode de conservation intéressante sur plusieurs aspects, mais il y a du sel, beaucoup de sel ! Mieux vaut jouer la carte de la variété et jongler entre aliments fermentés, congelés, frais, etc. « 

Simple comme bonjour

Réaliser soi-même ses légumes fermentés est assez facile et ne demande aucune source d’énergie, si ce n’est un peu d’huile de bras : tout au plus faut-il se procurer des bocaux en verre avec un joint en caoutchouc (en plus de l’acide lactique, la fermentation libère du CO2 qui doit pouvoir s’échapper), bien veiller à ce que les légumes soient recouverts de leur jus (pour les légumes râpés comme le chou) ou de saumure, mettre la bonne quantité de sel naturel (pour la saumure : 30g/litre d’eau).

Dans le cas des légumes fermentés, le risque d’intoxication alimentaire est minime, en tout cas bien moindre qu’avec des conserves faites maison. De toute façon, une fermentation ratée sent à ce point mauvais qu’elle en est immangeable. Notez qu’il est possible de faire fermenter de la viande ou du poisson, mais cela nécessite davantage de prudence et de savoir-faire.

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