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Comment retrouver son sens du goût

Comme tous les autres sens, celui du goût s’émousse. Mais on peut le travailler...

Le goût est le sens qui nous permet d’apprécier les bons petits plats et et les bonnes bouteilles. La sensation survient lorsque les aliments que nous mettons en bouche entraînent une réaction chimique au niveau des papilles gustatives qui recouvrent la langue et la gorge.  » Le goût est un phénomène très complexe, précise le Dr Boesveldt, maître de conférence à la Wageningen University (Pays-Bas) et attachée au centre de l’odorat et du goût de l’hôpital de la Gelderse Vallei. La langue ne joue qu’un rôle minime dans la perception du goût. Les papilles sont composées de petits groupes de cellules qui transmettent l’information du goût au cerveau. Elles identifient les cinq saveurs fondamentales : le salé, l’acide, l’amer, le sucré et l’umami (proche du salé et fumé). Pourtant, l’expérience gustative est en grande partie influencée par l’odorat. Le goût particulier du café, par exemple, est lié aux arômes qu’il dégage. Essayez d’en boire un en vous pinçant le nez : son amertume sera plus prononcée. Lorsqu’on a le nez bouché, on se rend mieux compte de l’énorme impact que joue l’odorat dans le goût. Un problème de goût est souvent la conséquence d’un problème d’odorat. « 

Comment retrouver son sens du goût
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Pourquoi les odeurs sont-elles perçues si intensément ?

 » L’olfaction intervient via l’environnement : l’odeur répandue dans l’air par une tasse de café est captée par le nez avant même la première gorgée. Et via la bouche : lorsqu’on mange quelque chose, des molécules volatiles sont libérées dans la bouche. Elles passent par la gorge pour atteindre le nez où l’odeur est interceptée. On fait souvent l’amalgame avec le goût parce qu’il vient de la bouche, mais il s’agit en fait d’odeur. « 

Ce sont les récepteurs présents dans le nez qui détectent les modèles d’odeur dans les différentes molécules. Le traitement de l’information, lui, se produit à un niveau supérieur.  » L’information olfactive arrive par voie nerveuse dans le bulbe olfactif, constitué de deux petits lobes situés à la base du cerveau. Lorsque vous respirez une odeur, celle-ci arrive dans cette zone. Dans le cas des autres informations sensorielles, un processus de filtrage se produit d’abord dans le cerveau. C’est pourquoi des odeurs peuvent être perçues de manière si intense et si soudaine.

Cette zone olfactive est intimement liée au système limbique, ce qui explique pourquoi certaines odeurs évoquent des souvenirs. Toutefois, par sa position vulnérable, le bulbe olfactif est sujet aux altérations. Un coup porté à la tête peut engendrer une rupture de cette voie nerveuse et altérer l’odorat. Le goût, en revanche, est un système très robuste. Les papilles gustatives transmettent l’information vers le thalamus via le tronc cérébral en passant par trois grandes voies nerveuses bien protégées. C’est là que l’information est filtrée avant d’être envoyée vers une zone spécifique du goût. « 

Pourquoi l’altération du goût et de l’odorat estelle handicapante ?

L’importance du goût et de l’odorat sur la qualité de vie ne peut pas être sous-estimée.  » C’est un handicap invisible dont l’impact est énorme. Goûter avec la langue est important pour apprécier ce qu’on mange et boit, afin d’entretenir l’appétit. Mais l’odorat revêt une série d’autres fonctions. Il joue un rôle sur la vie sociale puisqu’il aide à saisir de nombreux signaux.

Les odeurs transmettent de nombreuses informations de manière consciente : si une personne sent la transpiration, vous l’éviterez. Mais aussi de manière inconsciente : si vous sentez mauvais, vous ne le remarquerez pas. L’odorat est aussi un instinct ancestral qui avertit du danger. Comme nous sommes très visuels aujourd’hui, nous en sommes moins conscients, mais comme de nombreux animaux, nous sommes capables de déduire beaucoup de choses à partir des odeurs. « 

Pourquoi les aliments n’ont plus de goût ?

Comme les autres sens, celui du goût s’émousse. Les récepteurs sensoriels se régénèrent, mais pas suffisamment pour combler toutes les détériorations.  » À partir de 60 ans, ce processus est progressif mais pas chez tout le monde. Au début, on en s’en rend pas compte. La diminution de l’odorat est aussi en partie liée à l’état de santé général. Selon une étude australienne, les 60+ qui sont en bonne santé ont aussi un sens du goût plus affiné que ceux qui présentent diverses affections.

Inversement, une diminution olfactive serait un signe avant-coureur de maladies telles que Parkinson ou Alzheimer. L’altération de l’odorat survient aussi fréquemment en cas de dépression, bien qu’on ne sache pas encore clairement s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence. « 

La prise de médicaments est l’une des raisons principales de la diminution du goût.  » La chimiothérapie affecte souvent le goût. Elle cible en effet les cellules à division rapide, y compris les cellules réceptrices du goût. La perte de goût est aussi un des effets secondaires de nombreux autres médicaments. La bonne nouvelle, c’est que le goût revient dès l’arrêt du traitement.

La perte d’odorat peut être la conséquence d’affections directement liées au nez, comme un polype nasal qui empêche le passage des molécules odorantes. L’odorat peut aussi être affecté par l’absence de bulbe olfactif. Parmi les autres causes, relevons les affections cérébrales ou un traumatisme crânien rompant le nerf olfactif. Celui-ci est capable de se régénérer, mais il peut arriver que les connexions soient défectueuses, ce qui perturbe la perception des odeurs.  » Dans de nombreux cas, la cause reste un mystère.

Faut-il faire un test ?

À partir de quel moment peut-on conclure qu’une altération n’est pas uniquement due à l’âge ?  » Pour le savoir, nous disposons de tests gustatifs et olfactifs basés sur ce qui est perçu comme normal par les personnes d’une certaine catégorie d’âge. Si vous vous situez au-dessous des valeurs déterminées, on peut parler d’altération. Dans la pratique, on remarque qu’il est souvent difficile d’évaluer correctement ses propres facultés olfactives et gustatives. D’où l’intérêt de tests scientifiques et objectifs « , précise le Dr Boesveldt. Dans le centre où elle travaille, les tests sont réalisés au moyen d’une batterie de Sniffin Sticks, des sortes de marqueurs remplis d’une odeur spécifique.

 » Comme la plupart des gens ont du mal à nommer une odeur, on leur propose de choisir parmi une série de cartes-réponse. Le test de discrimination permet, lui, de vérifier dans quelle mesure on différencie correctement les odeurs les unes des autres. Trois odeurs sont proposées, deux identiques et une différente.

Le test de sensibilité met en avant des odeurs aux concentrations différentes. Pour vérifier les performances gustatives, il existe des tests réalisés à partir de papiers filtres à poser sur la langue et imprégnés de différents goûts plus ou moins concentrés. « 

Pour ce genre de tests, il faut se rendre dans un centre spécialisé, car la plupart des médecins ORL ne les proposent pas.  » Nous essayons de les promouvoir car le goût mérite vraiment d’être considéré à sa juste valeur. Même s’il n’existe encore que peu de solutions, reconnaître le problème signifie déjà beaucoup pour les personnes atteintes de dysgueusie ou de dysosmie. « 

Pourquoi entraîner son odorat

Les solutions permettant d’améliorer les performances gustatives sont encore limitées. L’entraînement olfactif a toutefois fait fureur ces dernières années tout en apportant des résultats satisfaisants. Il nécessite de respirer deux fois par jour de manière intense quatre odeurs différentes.

On renifle l’odeur choisie profondément et on tente de la garder en mémoire :  » Ceci est la rose et j’y associe des odeurs de rose « . Il faut pratiquer cet entraînement durant douze semaines au moins. Si cette méthode fonctionne, vous serez capable de mieux percevoir ces odeurs et de les reconnaître à nouveau, ainsi que d’autres également. Elle ne fonctionne cependant pas chez tout le monde. »

D’autres solutions destinées à améliorer le goût ciblent plutôt l’alimentation.  » Rajouter beaucoup de sucre ou de sel n’est pas la meilleure option. Vous pouvez accentuer les saveurs en y ajoutant des herbes, comme le thym ou la menthe, car elles parfument aussi le plat. Préférez les herbes fraîches qui sont également plus attractives visuellement.

Jouer avec les textures fonctionne aussi. Mélanger les aliments moelleux et croustillants, chauds et froids, permet de goûter davantage ce qu’on mange. Les produits chauds répandent plus de molécules odorantes. Mais vous pouvez aussi varier les préparations, comme faire griller la viande, une cuisson qui engendre d’autres réactions chimiques stimulant le goût et l’odorat.

Nous menons actuellement une étude qui repose sur la dispersion d’odeurs adaptées pour essayer d’ouvrir l’appétit. Elle se pratique dans un centre d’hébergement où des odeurs de petit-déjeuner (pain frais sorti du four), de déjeuner et de dîner sont répandues lors de chacun de ces repas. « 

Le sucré se situe-t-il sur le bout de la langue ?

L’avant de la langue abrite davantage de papilles gustatives, ce qui rend cet endroit plus sensible. Mais il est faux de croire qu’une papille n’est capable de percevoir qu’une seule saveur. Les papilles sont aptes à reconnaître toutes les saveurs de base n’importe où sur la langue.

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